<LAST DAY>

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Un bruit de bip résonnait à côté de moi, assez fort pour me déranger, mais pas assez pour me faire ouvrir les yeux. C'était un bip régulier, lent, qui battait en étrange coordination avec mon cœur. Je le sentais taper dans ma poitrine et le sens parcourir mon corps pour rejoindre le bout de mes doigts que j'arrivais péniblement à bouger. À chaque fois que j'essayais de plier un doigts, une douleur aiguë me remontait le bras, mais j'essayais tout de même de contracter les deux mains, en vain.

J'avais mal, j'avais froid au jambe mais le haut de mon corps semblait être en feu. Mon corps semblait peser une tonne tant chaque mouvement s'avérait difficile. Seulement, je ne sentais plus l'humidité autour de moi. L'air humide avait été remplacé par de l'air frais, conditionné, le sol mouillé et boueux par des draps doux qui sentaient l'adoucissant à la lavande et mes habits en laine, sales par... J'ouvrais doucement les yeux pour me voir enfin, en tenue d'hôpital. La robe blanche couvrait la moitié de mes bras, mon torse, et disparaissait sous la couverture bleu délavée de la chambre d'hôpital dans laquelle je me trouvais. J'étais perdu, ne me souvenant pas avoir bougé de la forêt où mes derniers souvenirs remontaient.
Mes mains étaient posées de chaque côté de mon corps, couvertes de bandages percés par les perfusions d'oxygène. Les blessures n'étaient pas un rêve, rien de tout ça n'avait été un rêve.

"Le médecin a dit que tes mains allaient mettre quelques semaines à guérir, en attendant évites de les bouger." Une voix familière s'élevait à ma droite, alors que je sentais une main se poser sur mon épaule.

Quand je tournais la tête, je découvrais Jeremy comme je ne l'avais jamais vu auparavant. Il pleurait rarement, si ce n'était de rire, et essayait de donner une bonne impression devant les gens. Il était loin du meilleur ami de d'habitude. Des cernes s'apparentant plus à des poches pendantes sous les yeux et de fines larmes dévalant ses joues, je ne me reconnaissais presque pas.

"Jeremy qu'est ce... Qu'est ce que tu fais là ?" Je demandais, encore dans les vapes après mon réveil.

"J'attendais que tu te réveilles, ça fait trois jours qu'on attend tous." Il disait en essuyant son visage dans le creux de son coude, "tu nous a fait la peur de nos vies mon vieux. Ta mère et John ne vont pas tarder à arriver, je viens de leur envoyer un message, ils vont être comme des dingues d'enfin pouvoir te parler."

Pendant les dix minutes qui suivaient, il m'aidait— en plus d'une infirmière qui avait été appelée après mon réveil— à m'asseoir correctement sur le lit et à manger un peu. Une compote, un gâteau, rien de plus mais Jeremy me forçait déjà presque à manger. Personne ne parlait pendant ce maigre repas. On se regardait à peine, pleurant en silence. Moi à cause du traumatisme des derniers instants passés avec mon père, lui parce qu'il avait failli apprendre la mort de son meilleur ami. Le repas fini, il demandait à l'infirmière de partir pour avoir une discussion privée avec moi.

"C'est moi qui t'ai trouvé." Il commençait en regardant le sol, assis sur la chaise en face de mon lit. Avec cette première phrase, l'atmosphère était déjà devenue plus lourde, anxiogène. "Tu ne répondais plus à mes messages, ni à mes appels alors je me suis dit que j'allais aller chez toi pour voir comment tu allais. Mais quand je suis arrivé, la porte était grande ouverte et personne n'était à l'intérieur. J'ai d'abord pensé à un cambriolage mais ça n'arrive jamais dans le quartier et puis j'ai vu que rien ne semblait manquer à part ton vélo." Il fractionnait son récit, prenant quelques longues poses pour marcher dans la chambre ou regarder par la fenêtre.

"J'ai trouvé ça bizarre, vraiment. Et puis je me suis dit que tu devais filmer ton projet alors je suis allé vers la forêt. Mais là..." Il mettait une main sur son visage, comme pour se retenir de fondre en larmes "J'ai vu ton vélo dans les fourrées et je sais que tu prends soin de tes affaires. J'ai commencé à paniquer, avec tout le... Tout le bordel que tu m'avais raconté j'étais mort de peur ! J'ai attendu cinq, non... Dix minutes et comme je ne te voyais pas revenir j'ai commencé à courir sur le chemin. Je savais même pas pourquoi je courrais !"

Les oiseaux n'ont que leurs ailes pour fuir | CreepypastaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant