Le monde s'était arrêté à l'instant même où mon prénom était sorti de ses lèvres. La Terre avait comme arrêté de tourner, le son s'était coupé et je ne pouvais que sentir le battement de mon cœur et ses yeux posés sur moi. Ils pesaient comme des dizaines de sacs de plombs et je me sentais écrasé par la peur et les questions qui venaient de m'assommer. Je ne savais pas combien de temps nous étions restés à nous fixer dans le blanc des yeux, mais il, mon père, ne semblait pas pouvoir parler plus que moi.
Arrêtant de retenir mon souffle à cause de la douleur qui envahissait mes poumons, je laissais un long souffle s'échapper de ma bouche en lâchant la pougnée de la porte, allant poser la main sur le mur pour m'appuyer dessus. Les mots n'arrivaient pas jusqu'à ma bouche même si des dizaines, des centaines de mots et de moments manqués avaient besoin de sortir de là. Pas pour les parler, non ; parler étaient bien trop me demander à cet instant de mon existence ; pour les hurler. Pour les crier si fort que le pays entier sache à quel point je lui en voulais, à quel point l'absence d'un père biologique m'avait fait souffrir pendant des années et pour lui avouer que je n'avais pas besoin de lui.
Je ne voulais pas avoir besoin de lui.
« Antoine tu... Tu me reconnais ? » Le son de sa voix semblait sortir d'un de mes lointains souvenirs, et pourtant Charles se tenait à deux mètres de moi. Littéralement deux petits mètres de moi.
« Qu'est ce que tu fais là ? » La colère commençait déjà à prendre le dessus, même si le calme aurait été une solution de sureté. Ne pas nous abandonner aurait aussi été une solution de sureté pour ma mère et moi mais apparemment nous faisons tous des erreurs.
« Antoine je veux juste parler » Il parlait lentement, le ton de sa voix restant doux et ce qui pouvait être sincère.
Je bouillonnais à l'intérieur mais son calme ne faisait me rendre de plus en plus confus. C'était comme s'il s'était préparé à lâcher ces mots depuis des mois devant un miroir, comme j'avais l'habitude de le faire avec mes présentations à l'école. Je le regardais avec les sourcils froncés, pensant au fait que le faire rentrer dans ma maison, plus la sienne, pourrait être une bonne et une terrible idée. Une part de moi me hurlais de lui claquer la porte au nez, quitte à lui casser le nez, mais la seconde part gagna. Celle qui me fit me décaler de l'entrée pour lui laisser un passage. En silence, regardant droit devant lui, il rentrait avec des pas hésitant dans le hall d'entrée qu'il devait à peine reconnaitre après les travaux que John avait fait dans la maison. Il avait l'air perdu, se frottant sans arrêt les mains en se balançant sur ses pieds. Toujours sans le toucher, j'avançais dans le salon en faisant en sorte qu'il me suive et le fit s'asseoir sur le canapé avant d'attraper mon téléphone.
« Qu'est-ce que tu fais ? » Charles demandait en s'asseyant au centre du canapé, posant le sac qu'il avait sur les épaules à coté du meuble de télévision. Sans un regard, je composais le numéro de maman.
« J'appelle maman, elle doit savoir que tu es là et je refuse de te par- »
« Antoine attend ! » Je m'arrêtais, n'appuyant pas sur le petit téléphone vert qui clignotait sur mon écran « Je veux te parler et je suis certain que tu veux... Que tu as besoin de savoir des choses alors attend une seconde... » Il levait légèrement les mains en montrant ses paumes comme signe de paix « Je veux juste avoir cette discussion avec toi ».
J'effaçais le numéro lentement en soupirant, ayant du mal à accepter le fait qu'il ait raison. J'avais besoin de savoir beaucoup de choses et maman n'allai être qu'un obstacle. Rangeant le cellulaire dans la poche arrière de mon jean, je m'appuyais contre le mur en croisant les bras, regardant le sol. Un nouveau moment de silence s'installa, Charles me regardant avec patience et moi me mordillant la lèvre à me la faire rougir et gonfler. J'avais du mal à poser la première question car la réponse me faisait peur. Peu importe si la réponse était oui ou non, je n'allais pas l'aimer même si j'avais besoin de savoir. Lâchant enfin ma lèvre qui avait désormais un léger gout de sang désormais, je sentais ma gorge se serrer douloureusement.
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Les oiseaux n'ont que leurs ailes pour fuir | Creepypasta
HorrorLes oiseaux n'ont que leurs ailes pour fuir; Ils peuvent fuir en cas de danger. N'est ce pas ? Mais toi, le peux tu ?