Deux jours avaient passé depuis notre conversation et tout était revenu à la normal avec ma mère. Enfin, le premier jour je ne lui avait pas touché un mot ; restant dans ma chambre à pleurer ou à appeler Jeremy qui essayait de me remonter le moral comme il le pouvait. Je lui avais évidemment raconté ce qu'on s'était dit avec ma mère, oubliant volontairement de lui transmettre les moments personnels où ceux qui me faisaient encore trop mal pour le moment. On s'était toujours tout dit, depuis notre plus petite enfance, et ça n'avait pas l'air de vouloir changer. Mais savoir que mon père avait pleurer de joie à ma naissance ou que c'était celui qui m'avait appris à marcher ne faisait que me rappeler douloureusement qu'il m'avait tout simplement abandonné ensuite et que tout ces jolis souvenirs à deux pourrissaient sur les lattes du grenier dans de vieux cartons.
Le grenier, d'ailleurs, j'avais dit à ma mère que je n'allais pas y retourner pendant un moment. Maintenant je connaissais Charles, je n'avais plus besoin de chercher des réponses dans d'anciens dessins ou photos jaunies et tachées par l'humidité bien trop forte pour une bonne conservation. On aurait dû les mettre dans des enveloppes plastifiées. On aurait dû faire tellement de choses dans ce grenier de toute façon...
Ce que j'avais donc retenu du récit de ma mère, c'était que mes parents s'étaient rencontrés à leur université commune. Le coup de foudre, je n'y croyais pas, mais quand j'avais vu le regard de maman lorsqu'elle m'avait décrit comment il s'était approché d'elle lors de cette soirée étudiante je commençais à croire qu'il y avait de l'espoir. Charles était apparemment en médecine et ma mère en études d'anglais, deux domaines qui me semblaient être trop différents pour qu'ils se côtoient mais le destin avait fait que si. Ils avaient attenu la fin des études de ma mère pour s'installer ensemble, puis se fiancer et puis... C'était à partir de là qu'on s'était mis à pleurer tous les deux. Je n'étais pas un enfant attendu ; je n'allais pas jusqu'à dire que je n'étais pas désiré, mais je n'étais pas marqué dans l'agenda comme une chose pressante. Pourtant j'étais arrivé et mon père avait insister pour me garder malgré les doutes de ma mère qui avait peur de ne pas être à la hauteur.
Ironique quand on se dit que c'est elle qui m'a élevé après le départ de l'homme qui voulait me voir grandir avec une envie si folle.
Jusqu'à mes trois ans donc, il avait été un père exemplaire. Apparemment rien d'anormal ne s'était produit, mais selon maman, tout avait changé quand j'avais fait mes premiers cauchemars. Au départ, maman pensait que c'était le manque de sommeil qui faisait perdre la tête à mon père mais il se comportait de manière beaucoup trop étrange pour que ça ne soit que le manque de sommeil. A partir de là, les deux bouts se rejoignaient aisément. Mon père avait commencé à me faire dessiner ces choses étranges, à me garder avec lui dans sn bureau pendant des heures jusqu'à ce qu'il disparaisse définitivement de nos vies. Tout ce que je pouvais donc garder, c'était la certitude que j'avais été un fils inutile et décevant. Mais ça n'était pas ma faute si je ne comprenais pas, je ne savais pas ce qu'il voulait me faire voir. Il me demandait si je le voyais mais je ne savais pas... Je...
« Tonio ? »
La voix de John le fit remonter à la surface, levant la tête de mon plat de raviolis au fromage que je devais fixer depuis un bout paquet de minutes vu la tête de John et ma mère. Je leur fis un sourire rassurant, prenant une bouchée des pates qui fumaient encore dans mon assiette. Au pire, ils allaient penser que j'étais absorbé par un plat de pâtes, au mieux que j'étais un peu fatigué. Vu qu'ils continuaient de me regarder, je devinais qu'ils avaient continué la conversation habituelle du midi sans moi. Ils faisaient toujours ça, John disait que c'était important de communiquer dans une famille et tout le truc philosophique qui suivait ; que je n'écoutais pas souvent pour être honnêtes.
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Les oiseaux n'ont que leurs ailes pour fuir | Creepypasta
HorrorLes oiseaux n'ont que leurs ailes pour fuir; Ils peuvent fuir en cas de danger. N'est ce pas ? Mais toi, le peux tu ?