<DAY 4>

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Des vieux dessins, des tas et tas de dessins étalés sur le sol. Des jouets d'enfance, si les peluches éventrées et abîmées par le temps pouvaient encore être qualifiées de jouets. Beaucoup de souvenirs regroupés dans un seul lieu mais très peu de photographies pour réellement immortaliser ces souvenirs. Je n'avais aucune idée de pourquoi les cartons étaient ouverts ou renversés, ni de comment j'étais arrivé dans le grenier mais une chose était sure : j'étais bel et bel assis au milieu de la pièce sombre et poussiéreuse qu'était le dernier étage de ma maison. Assis dans la saleté et terrifié.

« Respire Antoine, respires » Je pensais fort, mes poumons en feu à cause des longues pauses de respiration que je prenais ; c'était mon père qui m'avait appris à faire ça pour me calmer dans des situations stressantes ou gênantes. Pas John, mon père.

Ne prêtant pas attention au décor nostalgique qui m'entourait pendant une seconde, je regroupais les quelques souvenirs que j'avais, morceaux qui traînaient éparpillés dans ma mémoire comme les feuilles de papier autour de moi. J'ai fait un cauchemar ; déjà ça qui revenait ; jetais descendu parler à John ; de quoi on avait parlé déjà ? Ensuite il est parti téléphoner ; ah oui, c'est la que je me suis caché dans la buanderie pour l'écouter et ensuite... Et ensuite... ? Je refaisais le même chemin dans ma tête, la fin allait forcement me revenir. J'essayais encore et encore de tisser la suite de l'histoire mais tout s'arrêtait à chaque fois que je rentrais dans la buanderie. C'était impensable de perdre la mémoire à mon âge, 18 ans on est censé se souvenir de beaucoup de choses.

Décidant de laisser ça de côter et de tout mettre sur le compte de la fatigue et du stress accumulé, je passais la main sur les feuilles jaunies qui recouvraient presque trois bons mètres carrés du parquet éclaté du grenier. Je bougeais, touchais et soulevais les trouvailles avec précaution malgré mes doigts engourdis et tremblants. Je sentais que si je faisais le moindre mouvement de travers, le papier allait s'effriter sous mes doigts et tomber en miettes sur le sol (*tousse* Peter Parker), alors que je ne voulais pas abîmer ces petits trésors. Des trésors, non pas parce que je me réjouissais de trouver du papier avec des dessins étranges dessus, mais trésors parce que ; même si je ne le portais pas dans mon cœur ; ils étaient les derniers restes de mon père dans cette maison, ce qui était surprenant. Le reste, ma mère les avait brulés un soir dans la cheminé en enfumant la maison, ses pleurs et cris résonnant dans le silence de la nuit. Atroce souvenir pour un enfant.

Ces dessins, disais-je, c'était Charles qui me les faisait faire. Assis dans son gros fauteuil qui se trouvait dans le coin de son bureau ; le dit fauteuil ayant fini dans une benne ; il me regardait longuement en me répétant « Dessines ce que tu vois mon ange ». Avec le temps, j'avais bien compris que « mon ange » n'était qu'une ruse d'adulte pour attendrir un enfant naïf et innocent de 4ans qui ne cherchait qu'à faire plaisir à ses parents avec de jolis dessins. Dessins qui d'ailleurs me surprenaient : rien d'étrange, de glauque ou inquiétant pour un enfant, il s'agissait de dinosaure, fleurs ou avions comme tous les autres petits garçons. Non, le contenu n'était pas étrange, ce qui me faisait me remettre en question c'était que Charles insistait longtemps à chaque fois pour que je dessine ce que je voyais, uniquement ce que je voyais, mais il n'y avait ni dinosaure chez moi, ni avion ; l'aéroport le plus proche étant à des kilomètres de chez moi. Ça devait être pour ça, les longs soupirs de déception, les regards désespérés de mon père, les claques et...

« C'est à cause de moi qu'il est parti ? »

J'étais descendu du grenier, prenant avec moi les dessins pour les plaquer sur la table de la cuisine devant ma mère ; qui avait insisté pour rentrer ; qui avait failli recracher son thé en voyant la petite surprise que je lui avais ramené.

« Ou tu as trouvé ça ? » Elle s'étouffait presque en mettant le poing sur la table, m'indiquant que la surprise, n'était pas à son gout. Peu m'importais, je devais insister.

« Dans le grenier à ton avis ! C'était là que tu les gardais mais tu ne réponds pas à ma question maman » Le ton montait déjà, mes yeux plongés dans les siens ; je détestais lui tenir tête, mais l'obligation et la fatigue forment un mystérieux cocktail qui peut vous faire pousser des ailes ; ou vous détruire, c'est à douve tranchant.

« Dans le- pardon ? Déjà Antoine baisse d'un ton et ensuite arrête de me raconter des mensonges pareils, si tu les avais gardés quelque part dans la maison sache que je suis à ça de te trouver la pire des punitions » elle disait en rapprochant son pouce et son index, laissant un espace infime entre ses doigts.

Une punition s'signifiait tout au plus de confisquer mon téléphone, de me priver de sortie ou de mettre une claque dont elle avait le secret. Rien qui ne pouvait plus me faire mal pour le moment car elle répondait indirectement à ma question en s'énervant : il était vraiment parti à cause de moi. Il devait me prendre pour un attarder un enfant inutile à point. Elle continuait de crier en insistant sur le fait qu'elle avait brulé ces « merdes » alors que je serais les poings à m'en enfoncer les ongles dans la peau blanche de ma peau.

Je le haïssais pour être parti, je la détestais pour me mentir, je me répugnais pour avoir la capacité de me mettre à pleurer en moins d'une minute de confrontation. Les larmes se mélangeaient à mon saignement de nez qui reprenait sans crier gare. Elle ne devait même pas s'en rendre compte, arrachant les morceaux de papiers en formant un tas de confettis sur la table. Passant la manche de mon pull en laine a rayures sur mon visage, je me retournais en attrapant ma casquette et mon sac qui trainaient dans l'escalier, sortant de la maison en entendant ma mère crier mon nom. Mon vélo gisant dans le jardin ne mis pas longtemps à m'emporter à toute vitesse dans la descente de ma rue, me propulsant dans la direction souhaitée. Pas la forêt, trop risqué d'y retourner, pas dans un motel qui longeait la route, je n'avais pas un sou sur moi, quelque part de sûr et connu était ma meilleure option.

Trois « Toc » sur la porte en PVC plus tard, un garçon de mon âge apparaissait devant moi, les lunettes de travers et un sourire en coin qui s'effaçait en quelques secondes.

« Anto... Rentre, ça va toi ? » Jeremy me tapotait l'épaule en se décalant pour me laisser le passage pour entrer dans sa petite maison ; vide, sa mère travaillait souvent plusieurs jours de suite à quelques villes plus loin alors elle restait là-bas.

« Mec ça va pas du tout là... » Je me lamentais alors que nous descendions dans la cave qui lui servait de chambre. Je me laissais tomber sur le pouf en essuyant salement mes larmes dans le tissu à l'odeur de chips, de sueur et de déodorant pour homme. « Tu penses qu'on peut devenir cinglé à notre âge ? »

« Ça dépend, raconte ce qui se passe vieux » Il me demandait en s'asseyant sur la chaise du bureau qui me faisait face, les posters d'aliens et de théories du complot entourant parfaitement le bureau derrière lui.

C'était parti pour une longue et étrange explication de tout ce qui m'arrivait.

Les oiseaux n'ont que leurs ailes pour fuir | CreepypastaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant