Prologue

107 12 6
                                    

John

   Il avait peur de tout faire de travers... Peur de ne pas être à la hauteur... Peur de mal faire les choses. Peur que je ne l'aimes pas. Peur que je disparaisse, que je pleures, que je ne sois pas heureuse. Il avait peur de lui-même. Il ne se sentait pas capable. Pas sans elle... Mais j'étais là, donc il devais y arriver. Il savait qu'il n'avait pas le choix. Il craignait que je ne sois pas heureuse. Il avait peur que je sois en colère contre lui parce qu'il n'avait pas pu la sauver. Il avait peur pour moi. Lui... Mon père, John Watson. Moi, sa fille. Rosamound Watson, moins d'un an... 

   Comme chaque nuits depuis sa mort, je me réveille en pleurant. Je hurle... J'ai mal dans l'âme, mais je ne sais pas encore pourquoi. Je suis encore trop jeune. Je sais que je l'ai perdue... Mais je ne le sais pas vraiment. C'est bizarre... Je suis un bébé, c'est normal que je ne comprenne pas toutes mes émotions. Du moins, je ne sais pas comment expliquer ce que je ressens, et comment je sais les choses. C'est comme une explosion destructrice dans ma cage thoracique. Un grand BOUM, qui détruit tout sur son passage. Un grand tourbillon de larmes irrépressibles... Une vague dévastatrice de chagrin, de peine, de malheur. Je vais mal. Je me sens mal. Alors je pleures. Je pleures une perte et un manque que je ne comprends pas... Mon père se lève de son lit double. Il est seul désormais dans ce vaste lit qui a trop de place. Il ne veut plus jamais qu'il soit plein, ce vide. Autant dans son lit que dans son coeur. Il n'y a plus de place pour qui que ce soit. Il n'y a de place que pour elle. Elle seulement... Elle uniquement. Sa fille. Moi. Et son meilleur ami, mais ce n'est pas pareil... Ce n'est pas le même besoin vital. Je hurle ma souffrance, alors que mon père se lève rapidement. Il hais quand je pleures... Ca lui fait mal. Il hait avoir mal. Il sait soigner les gens. Il sait aider les autres. Mais il ne sait pas s'aider lui-même. Il ne sait pas faire. 

-Je suis là ma puce. Me porte-t-il hors de mon berceau, près de son lit. Il me porte dans ses bras. Des bras musclés. Son odeur m'indique que c'est lui. Je me calme instantanément. Il ne le sait pas encore, mais je l'aime de toutes mes forces. Il ne le sait pas encore, mais il est tout pour moi. Je l'aime... Seulement, je n'ai pas les mots pour le dire... Et j'ai peur. Peur que s'il ne s'en rend pas compte rapidement, il décide de partir à son tour. Je pose ma petite main sur son pectoraux au niveau de son coeur. Je le sens battre à un rythme régulier. Il baisse ses yeux bleus tristes vers les miens. Je suis baignée par la lumière de la lune. Il me sourit. 

-Tu es belle comme un ange... Tu es mon ange... Il vient frotter son nez contre le miens. C'est le premier soir où il me sourit comme ça, après que j'ai pleuré. Il a fait un grand pas en avant. Je dois lui rendre la pareille. Je plonge mes yeux bleus enfant rêveur dans le siens et gazouille en souriant à mon tour. Mon père se met à pleurer de joie. Il me câline. Pose son visage dans mon cou. Puis il m'écarte de lui et caresse mon nez avec son index. Je me mets à rire. Il explose de bonheur. Mon papa à moi... Si triste et si heureux en peu de temps. 

-Pa... Pa... Papa ! Papa ! Articulé-je, fière de pouvoir enfin sortir mes premiers mots. 

-Oui ! Ma puce, c'est moi ! Oui ! Papa ! C'est fantastique ! Il me fait voler dans la pièce, mais ne peut me garder loin de lui plus longtemps. Il me sert dans ses bras l'instant qui suit. Nous restons longtemps comme ça lui et moi. Dans une parfaite harmonie. Puis, ses lèvres se mettent à trembler. Un père et sa fille... Il manque quelqu'un... Et il manquera toujours quelqu'un. 

-Je suis désolé... Pardon... Je n'ai pas su la protéger... Je t'ai privé d'elle... Il se remets à pleurer. Il me dépose dans mon berceau, et s'en va s'enfermer dans le salon, sur un de ses nombreux canapés qui n'accueillent jamais personne. Il pose son visage dans ses mains et pleures comme jamais aucun homme n'a pleuré. Il se mord les doigts, hurle dans ses mains, crispe son visage baigné de larmes et de souffrance. Il a mal dans l'âme lui aussi. 

RosamoundOù les histoires vivent. Découvrez maintenant