🐺8🐺

2.4K 215 68
                                    

Je reprends difficilement mon souffle, couchée sur la roche fraîche et humide, le pelage trempé et si lourd que je crains de m'enfoncer dans le sol.

J'entends Kelian haleter à mes côtés, tout aussi épuisé que moi. Derrière nous, le vacarme incessant de la cascade rugit et m'emplit les oreilles, si bien que j'ai du mal à percevoir la présence de notre kidnappeur, que je devine assis à quelques mètres grâce à ma vue, malgré le fait qu'elle soit brouillée par l'eau. Son pelage blanc reflète les rayons sur soleil qui percent la chute d'eau, devenant bleutés et fantomatiques. Il semble nous observer sans un mot. Une profonde colère émerge du fin fond de ma conscience et je parviens péniblement à m'assoir, vacillante, tout en battant des paupières. Mes muscles, longtemps tétanisés et bien trop sollicités, me font souffrir mais je passe outre. Ma gueule s'ouvre pour laisser échapper un filet de voix qui se répercute sur les parois rocheuses.

— Vous êtes... de leur côté, sifflé-je.

Je reprends une longue inspiration, puis suis rejointe par Kelian, qui s'assied lourdement à mes côtés et fusille l'inconnu du regard. Ce dernier ne paraît pas intimidé et s'apprête à répondre, pensif, comme s'il cherchait les mots les plus justes.

— Je ne suis pas avec cet assassin de Rorgan, finit-il par lâcher d'une voix grave et emplie d'une certaine sagesse.

Brutalement, ma colère se calme. Je sens qu'il dit vrai et inexplicablement, j'ai envie de lui faire confiance. Seulement, Kelian ne paraît pas du même avis.

— Alors pourquoi nous avoir à moitié noyés ? Pourquoi être apparu à la fin du combat pour nous enlever, sans nous aider à sauver Jaïna et Nora ?

Je vois que savoir sa sœur dans les griffes de nos ennemis le rend plus furieux que jamais. Il s'apprêterait sans doute à sauter à la gorge du loup blanc s'il n'était pas si épuisé et, comme il l'a justement mentionné, à moitié noyé. L'eau goutte de nos pelage avec une régularité de métronome et, durant quelques secondes, il s'agit du seul bruit présent dans cette sorte de grotte.

Je me mets à la détailler furtivement, à la recherche d'une issue. Derrière nous, le mur d'eau rugit. Devant, il y a cet inconnu à la fourrure blanche, et dans son dos, je distingue que les parois rocheuses se prolongent à la manière d'un couloir, s'enfonçant dans l'obscurité. Hormis nous trois, la grotte paraît vide.

Un raclement de griffe contre la roche m'apprend que Kelian se lève et je reporte mon attention sur lui. Ses babines découvrent déjà ses crocs et il semble décidé à attaquer, sans doute par désespoir...

Je me place devant lui avec des mouvements raides. Il me regarde sans comprendre.

— Kelian, je ne crois pas qu'il soit avec eux...

— Ça me paraît évident, à moi !

— Non, fais-je en secouant la tête. Il nous aurait tués. Nous sommes si... faibles... qu'il pourrait nous trancher la gorge d'un seul coup de griffe.

Mais le loup noir ne me croit pas. Il rugit de manière désespérée et me contourne en titubant.

— Ils ont pris ma sœur ! Tu entends ? Ils ont pris Jaïna !

Sa voix se brise sur ce dernier mot. Une vague de compassion m'envahit, bien vite éteinte par Morrigan, qui me rappelle à l'ordre.

Empêche-le de l'attaquer. Je sens que nous devons interroger ce loup blanc. Et Kelian va se faire mal...

— Kelian, s'il te plaît, non.

Je me place une nouvelle fois face à lui et il me lance un regard tranchant.

Prédation, L.2 : Le Sanctuaire [FINIE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant