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Je commence à m'enfoncer dans un sommeil réparateur. L'air est tiède, le vent léger apporté par la fenêtre ouverte me frôle la peau, laissant deviner la verdure présente à l'extérieur et me permettant ainsi de me sentir dans mon élément.

Mes longues boucles noires me chatouillent le nez. Il faudrait que je les coupe, arrivé-je à penser confusément, déjà emportée par les limbes du pays des rêves. Mes yeux papillonnent et finissent par occulter la douce teinte de la lune, que j'entrevois dans le ciel sombre.

Un bruit me sort de ce léger début de sommeil. Je grogne, ennuyée, et tente de me retourner pour retrouver une position confortable. Mais c'est peine perdue, un souffle profond me parvient depuis l'extérieur et je soupire.

Qui est devant ma cabane ?

En silence, je me lève et sors sur la pointe des pieds, aux aguets. Mes muscles protestent, déjà épuisés par la journée, mais je les ignore et glisse un regard vers l'endroit situé sous ma fenêtre. Tout est plongé dans la pénombre, mais je parviens à distinguer une silhouette assise contre le mur. Les odeurs qui m'emplissent les narines me livrent l'identité du loup et je fronce les sourcils. Que fait-il ici ?

Mes pas me rapprochent de Kelian et je m'assieds à ses côtés, les yeux levés vers le ciel. Ma légère robe de nuit ne fait pas barrière à la brise fraîche qui m'effleure mais je ne fais que croiser les bras sans pour autant rentrer. Ce n'est pas demain la veille que ce froid de rien du tout va me tuer.

Et puis, je veux savoir pourquoi Kelian est sous ma fenêtre en pleine nuit.

Excellente question, je me la pose aussi. Il n'est pas vraiment le stéréotype de l'amoureux transi qui chante une sérénade sous la fenêtre de sa belle, si tu vois ce que je veux dire.

Clairement. Il n'est, de plus, pas amoureux... et il n'a pas chanté.

Je soupire.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Kelian pose un regard flou sur mon visage. Ses lèvres s'entrouvrent pour me répondre, alors que ses yeux restent dans un vague inaccessible, dirigés vers moi.

— Je... Je dois te parler.

Il hausse à peine la voix, murmurant presque. Je suis étonnée... De quoi Kelian pourrait bien me parler ? De sa sœur ?

— La lune est claire, ce soir.

Je fronce les sourcils. Il semble vouloir inconsciemment retarder le moment où il aura à me parler. C'est étrange, je ne pensais pas le loup si prompt à douter, ou à se livrer...

— C'est vrai, lâché-je platement, ne sachant quoi répondre.

— Tu sais, Jaïna n'est que ma demi-sœur.

J'écarquille les yeux, mais Kelian n'en reste pas là et poursuit, le regard levé à présent vers l'astre nocturne.

— Je ne suis pas le fils de Jeanne, la femme de mon père. Ma mère était une femme remarquable, elle. Tandis que Jeanne se cache et reste derrière lui, je suis sûr que ma mère aurait été présente pour son enfant... Pour moi.

Il marque une pause, puis soupire. Ses iris d'argent semblent osciller, comme si des gouttelettes d'étoiles voulaient s'échapper. Il clôt les paupières et pince les lèvres. Je ne dis rien, étrangère à ses émotions. Je me demande surtout pourquoi il me raconte tout ça, maintenant et de cette façon...

— Je suis né dans les montagnes, pas au sein de la Meute. Ma mère vivait seule. Lorsqu'elle a été tuée par Rorgan... (il serre brusquement les poings sur ses genoux, agrippant le tissu noir qui les recouvre avec férocité)... Lorsqu'il l'a tuée, mon père m'a recueilli. Il s'est occupé de moi. Mais je n'avais pas de mère... Et puis, il s'est rapidement remarié avec Jeanne, ils ont eu Jaïna et j'ai grandi avec la Meute. Jeanne n'a jamais été méchante avec moi, mais je sentais qu'elle ne m'aimait pas comme un fils. Je n'ai pas cherché à me rapprocher d'elle une fois que je l'ai compris, même si j'ignorais la raison de l'absence d'affection qu'elle avait à mon égard. J'avais mon père, la Meute et ma sœur, ça me suffisait.

Prédation, L.2 : Le Sanctuaire [FINIE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant