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La journée commence à peine, pourtant je meurs d'envie de me pelotonner au fond de mon lit pour ne plus jamais en ressortir. C'est peut-être un contrecoup de nos efforts pour atteindre cette vallée, en tout cas une lente torpeur commence à m'envahir et mes yeux papillonnent. J'ai pu me changer, parce qu'une robe ne semble pas des plus pratiques, et suis à présent vêtue d'un pantalon de kimono et d'un t-shirt sans manche noir. Mes bâillements doivent se remarquer, puisque Kelian me lance un regard amusé.

Sorgin claque des doigts devant mon nez, m'arrachant un sursaut.

— Ce doit être la digestion, sourit-il gentiment. Mais tâche d'être attentive pour la suite, Lyka.

Je hoche la tête, boudeuse. Il me réprimande comme si j'étais encore une petite fille, ce qui arrache un rire moqueur à Kelian. Je lui retourne un regard brûlant, piquée au vif. Il affiche un sourire goguenard et, comme il semble avoir repris le contrôle de ses pensées, je n'insiste pas, détournant simplement la tête.

— Venez.

Nous rejoignons sagement Sorgin, debout au centre d'un immense îlot plat et couvert d'herbe verte. Aucun arbre, aucun obstacle n'est visible à cet endroit. Je devine qu'il s'agit d'une arène, ou d'un endroit quelconque où s'entraîner. Le Loup Supérieur s'assied à l'une des extrémités, proche de l'eau calme et clapotante. Il étale les pans de son kimono autour de lui pour plus d'aisance, puis relève un regard sérieux et brillant vers nous.

— Montrez-moi de quoi vous êtes capables. Affrontez-vous comme si vous étiez ennemis, mais pas de blessures mortelles.

Il fixa ses yeux verts sur nos deux silhouettes contractées. Nous sommes prêts à nous défouler.

— C'est quand vous voulez.

Nos regards se croisent, nous serrons les poings et nous jetons contre l'autre.

Le choc est énorme et mon souffle est expulsé de mes poumons, sans pour autant que je ne cède de terrain, heureusement. Kelian reprend lui aussi une inspiration saccadée tout en essayant de me faire une clef de bras.

Nous roulons sur l'herbe comme deux animaux enragés, balançant des coups pour écraser l'adversaire au sol. Mes muscles se dénouent avec délectation et je me plonge corps et âme dans cet affrontement revigorant.

Mon pied heurte les côtes de Kelian avec violence et il glapit en reculant d'un bond. Nous nous faisons face, haletants, chacun de part et d'autre de l'îlot. Un délicieux frisson me parcourt la colonne vertébrale lorsqu'il se met à feinter en tournant autour de moi, par pas chassés agiles et maîtrisés. Mes instincts m'aident à éviter ses subterfuges et me laissent reprendre une respiration plus paisible.

Soudain, il serre les poings et un éclat dangereux se met à luire au fond de ses iris. Je sens brutalement son aura se déployer dans les deux mètres qui l'entourent, argentée et tourbillonnante, puissante et implacable, véritable mur scintillant fait de volutes ondoyantes. Il la rappelle contre sa peau et la rassemble au creux de ses paumes, un air déterminé sur le visage. Je me crispe, soudain plus inquiète. Que manigance-t-il ?

L'uppercut m'atteint en plein dans l'estomac, malgré mon écart qu'il a dû anticiper. Je crachote péniblement, la douleur pulse dans mon ventre et je recule jusqu'à marcher dans l'eau.

Kelian balance un coup de pied que je parviens à esquiver. Son poing vole vers mon visage, je me baisse avec le sentiment de bouger au ralenti. Ses doigts se referment sur mes cheveux et tirent, m'empêchant de me dérober.

— Tu manques d'entraînement, Lyka, me souffle-t-il.

— C'est pas... les cours de gym... qui allaient m'aider !

Prédation, L.2 : Le Sanctuaire [FINIE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant