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Les troncs défilent à mes côtés. Je frôle leur écorce de ma fourrure, je cours dans la pinède, les épines de pin qui jonchent le sol me chatouillent les coussinets.

Soudain, je dérape et lève la gueule vers le ciel ; un hurlement s'envole de ma gorge, résonne parmi les sapins, rejoint son jumeau de l'autre côté du camp. Nos cris s'entremêlent dans l'air et je ferme un bref instant les paupières pour savourer cette singulière mélodie.

Ensuite, je reprends ma course et pousse encore trois autres hurlements, le temps de revenir à mon point de départ. J'y retrouve un Kelian impatient, les flancs animés d'un souffle puissant. Ses orbes d'argent brillent. Il a hâte d'en découdre, hâte de pouvoir à nouveau serrer sa soeur dans ses bras, sentir son odeur dans ses cheveux, la regarder vivre à ses côtés, rire tout simplement. Je ne peux que le comprendre.

Nous attrapons chacun notre sac et disparaissons dans les fourrés. Une fois sous forme humaine, je m'étire, craque quelques articulations, puis reviens à ses côtés. Vêtu comme un simple randonneur, Kelian est occupé à avaler une bouchée de viande rouge. Je l'imite en tirant un peu sur le tissu de mon pantalon de marche montagnarde. Ce n'est pas agréable à porter... où sont les jeans ?

Je réprime un soupir et gobe la viande, avant se me tourner vers le camp. Ils doivent être sur le pied de guerre. Ils nous attendent... J'espère que nous ne devrons pas faire trop de vagues, même si je doute que ce soit aussi simple que des négociations. Il faudra se battre...

Allez, haut les coeurs ! Moi, ça me démange... frissonne Morrigan. Tu n'aurais pas envie d'aller frapper dans un certain meurtrier, toi ? Rorgan, par exemple ?

Si. Mais s'il y a moyen de récupérer les filles sans risque de se blesser, je choisirai celui-là. Bien évidemment, s'ils ne coopèrent pas...

Un sourire de mauvais augure vient étirer mes lèvres.

S'ils ne coopèrent pas, nous passerons à une autre forme de négociations... Du type "frappe d'abord , interroge ensuite", ricane la louve dans mon crâne.

- Prête ?

Je dévisage Kelian en silence, détaille chaque partie de son visage concentré et acquiesce d'un hochement de tête. C'est parti.

Côte à côte, nous avançons dans la forêt d'un pas lent et sûr. Nous ne nous efforçons pas d'être discrets, après tout nous sommes venus négocier en paix. C'est donc la tête haute que nous arrivons en face des gardes de la porte percée dans la muraille de bois. Ils nous fixent d'un air suspicieux, mais semblent avoir des ordres, puisqu'ils s'écartent et font mine de nous escorter.

- Au moindre geste agressif, on vous transperce comme de simples brochettes, compris ? nous souffle l'un des loups.

Il tient une sorte d'épée dans sa main calleuse, mais un simple coup d'oeil m'affirme qu'il n'est qu'un petit bêta ; il n'aurait jamais le temps de m'embrocher s'il me venait l'envie de faire un geste agressif. Son regard transpire la peur et la méfiance contenues. A mon avis, il ne connait pas nos statuts, il doit nous prendre pour de petits Alphas sans expérience.

Grossière erreur, glisse Morrigan.

Je retiens un sourire. Ce n'est pas le moment de les alerter.

Le second garde, lui, reste silencieux, mais rien qu'à sa posture je peux deviner qu'il se méfie plus que son acolyte. Son regard nous détaille avec prudence et il garde sa lance prête, tout en évitant de la pointer sur nous. Il possède assurément plus d'expérience que l'autre.

Encadrés par les deux loups, nous pénétrons dans le campement fortifié. Aussitôt, mes yeux en font le tour : quelques tentes de couleur sable en arc de cercle, un feu de camp partiellement éteint au centre, quelques loups hostiles, certains assis sur des tabourets de bois grossiers, d'autres debout, en train de manger ou discutant, mais à notre arrivée tous se taisent pour nous observer. En face de nous, une tente plus grande que les autres, semble abriter les dominants de cette charmante troupe. Quelques palissades de de bois semblables à celle entourant le camp donnent à cette demeure provisoire des airs de véritable chalet. La tente ne paraît plus servir que d'entrée à ce petit château.

Prédation, L.2 : Le Sanctuaire [FINIE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant