🐺Epilogue🐺

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Il a froid. Le sol est glacé, des gouttes tombent du plafond de pierre gris sombre pour s'écraser sur les maigres tissus qui le couvrent. Ses lèvres gercées s'ouvrent doucement alors qu'il lâche un gémissement, conséquence des multiples contusions qui lui font une seconde peau ; toute violacée, dans un camaïeu de bleus et de jaunes.

Ses yeux noisette aux contours rougis détaillent vaguement sa cellule. Cela fait une éternité qu'il y gît ; des semaines, des mois ? Il a perdu la notion du temps. Toujours est-il qu'il ne cèdera pas. Jamais. Ils pourront le laisser dans cet endroit encore des jours, s'ils le veulent. Jamais il ne participera à un massacre.

Un grincement atroce signale l'ouverture de la grille. Le prisonnier inspire profondément, prêt à résister. Des pas lourds s'approchent, une main vient agripper ses cheveux poussiéreux et trop longs pour dévoiler son visage émacié, à la lumière d'un rayon qui passe la fenêtre, trop haute pour qu'il puisse y accéder. Il a fermé les yeux, refusant de regarder les visages de ces loups qui l'ont capturé dans une forêt, par surprise et qui depuis, ne désirent plus que le voir flancher et accepter. Mais il se l'est juré, alors il le répète encore une fois, alors qu'une goutte de sang s'échappe de ses lèvres :

— Je refuse et refuserai toujours.

Les geôliers respirent fort. Sa ténacité ne leur plaît pas, ils ricanent alors que celui qui le tient se met à murmurer à ses oreilles d'une voix sournoise.

— Tu sais, nous pouvons te laisser ici aussi longtemps que nous le désirons. Avec juste ce qu'il faut d'eau et de nourriture pour te maintenir en vie. C'est long, la solitude, alors réfléchis encore, petit obstiné : cela vaut-il le coup de mourir dans ce trou ? Tu ne respireras plus jamais l'odeur de la forêt, de la liberté, du vent dans ta fourrure, tu ne sentiras plus jamais la terre sous tes pattes, l'eau sur ton corps, la chaleur du soleil et la douceur de l'herbe. Tout ce que tu verras, tout ce qui t'entourera ne sera plus que roche, pierre, froid et solitude.

Le prisonnier reste apathique, les yeux obstinément clos. Pas question de flancher. Ses poings aux doigts décharnés, secs et égratignés se serrent sur les guenilles qui le couvrent à peine. Ce discours, ces loups le répètent à chacune de leurs visites, avec quelques variantes. C'est psychologique, ils veulent le mettre plus bas que terre, pour que la seule lueur d'espoir qu'il voie soit celle qui émane de leur proposition. Il s'efforce de résister tant qu'il le peut, mais pour combien de temps encore ? Arrivera un jour où même un Solitaire comme lui ne supporte plus d'être seul. Sans parler de son corps affaibli, puant et douloureux qui souffre cruellement du manque d'eau et de nourriture.

— Avec nous, tu auras à manger, à boire, un endroit où dormir, petit. Pourquoi tiens-tu tant à rester dans cette misérable prison ?

Le prisonnier serre les dents. Comme il ne répond pas, un soupir las échappe au meneur et bientôt, il est entouré par les autres. Leurs auras le menacent, font pression, si bien qu'un gémissement pathétique naît dans sa gorge, mais il pince les lèvres le plus fort qu'il peut.

Les coups pleuvent sur son corps frêle. Il se recroqueville, protège ses mains et ses côtes, sa tête, mais sa pommette brûle, sa lèvre éclate, son crâne résonne, son ventre est enfoncé et ses muscles hurlent. Il a mal, partout, dehors, dedans, il n'entend plus rien, tout bourdonne.

Puis, tout s'arrête et les loups sortent de sa cellule, laissant claquer la grille dans un affreux bruit de métal qui se répercute longuement dans sa tête. Roulé en boule, le jeune loup frissonne et reprend son souffle. Quelques sanglots l'agitent, mais aucune larme ne coule sur sa figure sale. Il n'a pas crié, il n'a pas flanché, alors il est fier. Il peut encore tenir.

Prédation, L.2 : Le Sanctuaire [FINIE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant