Chapitre 58 : Aide providentielle

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[On passe à l'encrage de la Déesse Zaraka, une nouvelle étape avant la coloration]


Le gouffre béant s'ouvrait sous les pieds de Delkateï comme pour le dévorer tout entier. Un froid glacial tomba sur la plaine, s'apposant à une peur tout aussi cruelle. Une brise s'ajouta à l'addition, paralysant les êtres pour venir les jeter au cœur du vide. Les entrailles de la Terre s'offraient à tous les regards, vision apocalyptique et cauchemardesque.

Jo jouissait pleinement de ce spectacle. Cela lui plaisait, reflétait le néant qui sentait s'agiter en lui en plus d'annoncer sa proche victoire. Ce rien qui avait, petit à petit, dévoré la présence humaine. Il ne restait qu'un vague souvenir, un léger effluve de ce qu'il avait été jadis. Mais cela, personne ne devait jamais en avoir écho.

Le temps se perdit dans les méandres de ce monde qui n'existerait jamais que dans une imagination, dans un esprit perverti. Le cœur de Delkateï se tordit comme s'il décidait, indépendamment, de s'arrêter de battre. La Mort se profilait dans les louvoiements sombres, s'approchant dangereusement des adolescents.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Jo et l'autre se promit de le lui faire ravaler avant de mourir. Il ne sauterait pas sans abattre une dernière carte, celle des coups, celle destinée à faire plier ne serait-ce qu'une fois l'ennemi.

—Que crois-tu qu'il se passera quand tu seras mort ? Tu donnes ta langue au chat ? Tes petits-amis seront sans défense, ils n'auront plus aucun espoir de s'en sortir vivant. Alors, fais un geste pour eux, n'aggrave pas ton cas où tu peux être sûr que je ne serai pas clément !

—T'es un putain d'enfoiré ! gronda Delkateï, d'une voix rauque.

—Allez, ça sera vite fini et, promis, ça fait pas mal. Ne fais pas d'histoires et saute !

Le moment était arrivé, finalement. Comment ce jeune homme aurait-il pu imaginer un tel scénario alors qu'il s'épanouissait dans la banlieue de Naples ? Comment aurait-il pu prévoir une fin aussi atroce ?

Alors que l'espoir s'effaçait pour de bon, une silhouette se détacha de l'ombre. Une figure qui parut familière à Delkateï bien qu'il n'eut jamais rencontré cet être. Cette personnalité qui représentait, à elle seule, le pouvoir ultime, la régence de ce monde et de ses mortels.

Kyraël se tenait au cœur du gouffre, flottant au milieu de ce néant véritable, sa peau brillant de sa lumière divine. Ls yeux de l'élève se posèrent d'abord sur les cornes du Dieu avant de dériver sur son regard flamboyant. Il se sentit électrisé par ce contact visuel et se figea entièrement. Jamais encore le Dieu n'avait semblé aussi réel, Delkateï pouvait même distinguer les nuances améthyste de sa peau blanche. La domination terrifiante qui s'échappait de son être. Il avait bien face à lui le Roi des Dieux, et non une vulgaire contrefaçon.

—Comment ? balbutia-t-il, hébété par cette apparition.

Jo fronça les sourcils sans comprendre. Il ne pouvait distinguer le corps céleste et se méprenait déjà sur l'attitude étrange de sa victime.

Ne parle pas, lui intima Kyraël, sa voix résonnant dans l'âme de l'Italien de longues secondes.

Delkateï obéit par automatisme, désormais certain que cette présence surprenante n'avait rien d'un mirage, d'un mauvais tour de son esprit. Il put sentir l'influence de la divinité sur tout l'environnement. La température sembla augmenter considérablement et le malaise insupportable disparut. La tension, l'incroyable attraction vers le vide, parut se réduire nettement. Il sembla même à l'adolescent que la terreur se faisait moins accrue. Rien ne saurait tenir tête à une entité d'une telle grandeur.

INSTINCTS   Tome  1. L'école qui n'existe pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant