Chapitre 37 : Théâtre du monde

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[Encore un dessin au crayon (j'ai peu de temps pour dessiner et je privilégie l'écriture), d'Aaron cette fois]


L'œil attentif de Jyn se retira, reprenant sa place de simple spectateur dans le siège de cette confrontation. Ludo déglutit péniblement, luttant contre les larmes qui piquaient ses yeux et menaçaient de rouler sur ses joues rebondies.

Le silence qui investit la pièce lui fit l'effet d'une douche froide, le retour prémédité à la réalité. La présence d'Andrew à ses côtés se matérialisait de manière diffuse, un petit éclat de bonheur auquel il donna toute son importance. Ce que le calme acceptait encore d'épargner de lui.

Il pouvait ressentir avec quelle force ce deuxième cœur battait. Là-bas, à des centaines, des milliers de kilomètres d'ici, un être partageait sa pâle existence. Et, en cet instant, Ludo pouvait tout clairement percevoir un éclat sordinde de douleur. Une sensation vive, presque insupportable. Une sensation d'oppression qui aurait pu l'amener jusqu'aux portes de l'agonie si Andrew ne s'était pas trouvé là. Grâce à lui, vivre était redevenu envisageable.

Delkateï réfléchissait à toute allure et au même titre que ses camarades. Il se sentait au moins aussi concerné par ce qui venait d'être annoncé. Il fut le premier à réagir, brisant ce mutisme désagréable, le troquant contre sa voix rauque :

—L'espion, tu sais qui c'est ?

—Non ! tonna le plus jeune, affolé.

Ce haussement de ton arracha un sursaut à son auteur, fébrile. Le cœur au bord des lèvres, il accueillit les regards de ses ainés comme une nouvelle blessure. Lui qui avait toujours été timide mourait d'envie de quitter la pièce, de s'enfermer dans sa chambre et de ne plus jamais réapparaître.

—Je ne sais pas qui il est, je... je vous le promets. C'est la vérité !

Il tremblait de peur que personne ne croie en sa parole. Andrew effectuait de petits mouvements circulaires sur le dos de la main pâle. Pourquoi croire en sa parole alors qu'il avait caché scrupuleusement la vérité ? La question ne pouvait que se poser, mais aucun ne se permit de l'exprimer de vive voix.

—Ludo... souffla-t-il, suavement.

—On te croit, tu sais et c'est courageux de ta part d'avoir osé nous en parler, avança Calysta, souriant très légèrement.

Son interlocuteur tenta de lui rendre son rictus sans le moindre succès. Le silence retomba lourdement autour du cercle d'élèves. Le malaise de l'un nourrissant celui de l'autre. Jyn se fondait presque dans ce décor étrange, mais presque seulement !

—Mais si je vois... quelque chose qui pourrait aider, je vous le dirai.

—Quelqu'un d'autre pour se lancer ?

Ces quelques paroles n'avaient rien d'offensant aux yeux d'Aaron, leur auteur. Pourtant, ses amis y trouvèrent une insulte, une subtile injure face à leur oisiveté. Sur la défensive, Eole répliqua :

—On est prêt à suivre ton exemple si tu y es prêt toi aussi. Nous t'écoutons.

Il n'y avait pas de violence dans son ton, ni de provocation particulière.

—À toi le tour, t'as l'air ok avec l'idée de Kourrage alors à toi de suivre l'exemple !

—Je...

Étonnamment, les mots moururent au fond de sa gorge avant même d'exister. Un trouble marqua les traits bien dessinés de celui que beaucoup considéraient comme le Don Juan de l'école. Incapable d'aligner ne serait-ce que quelques paroles, il se tut piteusement. Ses sourcils aussi rougeoyants que sa flamboyante crinière lui donnèrent une expression contrariée et songeuse. Personne n'avait pensé pouvoir rendre muet l'Australien, et pourtant l'exploit venait de s'accomplir.

INSTINCTS   Tome  1. L'école qui n'existe pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant