Min-joon

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Avertissement : mentions d'homophobie et de harcèlement scolaire

☀️☀️☀️☀️


Durant plusieurs minutes, Sung-ki garde un silence hautement inhabituel. Il ne bouge pas non plus ; il reste simplement là, les coudes serrés autour de la nuque d'Anders, le visage enfoui dans le creux de son cou. Anders ne sait comment réagir, alors que Sung-ki ne dit plus un mot entre ses bras. Les doigts du Suédois effleurent le bas du dos de l'autre jeune homme, tandis qu'une crainte sourde se fait une place sournoise dans son esprit.
— Sung-ki... Tout va bien ?
Pendant quelques dizaines de secondes encore, le danseur se tait et ne fait pas un geste.

Il finit cependant par défaire son étreinte, qui s'ouvre jusqu'à ses poignets. Ce sont ceux-ci qui le retiennent maintenant au cou de son compagnon, tandis qu'il s'écarte légèrement de lui. Les sourcils de Sung-ki sont froncés et, si ses yeux sont tournés vers le visage d'Anders, ce n'est pas lui qu'ils voient.
— Hmm...

Le Coréen s'interrompt sans avoir encore rien expliqué. Il se mordille la lèvre, l'air toujours aussi absorbé par quelque chose qui ne se trouve pas dans la pièce avec eux. Enfin, il secoue la tête pour dégager ses cheveux, puis dénoue ses doigts afin de se frotter le nez, que ses mèches ont chatouillé. Lorsqu'il repasse la main dans la nuque d'Anders et se rapproche un peu, il le regarde à nouveau, lui.

— Dans mon école, quand j'étais au collège, il y avait un lycéen qui s'appelait Park Min-joon. Je peux te parler un peu de Min-joon ?
Anders soutient le regard du danseur en souriant, et son visage s'attendrit lorsque que Sung-ki reprend la parole. Il lève la main pour écarter les mèches qui lui tombent devant les yeux et hoche la tête, avant de murmurer d'une voix douce :
— Tu peux me parler de tout ce que tu veux. J'écouterai tout ce que tu as à me dire.

Sung-ki lui envoie un sourire éclair, qui s'éteint aussi rapidement qu'il est apparu. Il se réinstalle plus confortablement contre Anders, un peu plus près aussi. Son front se plisse.
— Je n'ai parlé qu'une fois à Min-joon, et je ne connaissais pas son nom. C'est mon ami Ye-jun qui me l'a dit après, parce que son grand frère était dans la même classe que Min-joon. Je lui ai parlé parce qu'un soir après l'école, tout son sac s'est renversé dans les flaques de pluie, dans la rue. Je l'ai aidé à ramasser ses affaires. Min-joon m'a dit que je ne devais pas faire ça, mais je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire et j'ai continué. Et en fait...

Une fois de plus, le danseur suspend son histoire, comme s'il ne savait pas comment la poursuivre, comme s'il ne savait pas où était le début ou la fin, comme si les paragraphes étaient en désordre et qu'il n'y avait pas de fil conducteur pour les réarranger.

Anders renforce son étreinte autour de Sung-ki et ne cherche pas à le pousser à la confidence. Il entend, dans le récit de son ami, cette volonté de se libérer d'un poids devenu trop lourd à porter, et ce n'est pas sa place de l'y forcer ; il écoutera quoi qu'il arrive, attendra le temps qu'il faut. Il se contente de passer la main sur l'un de ses poignets pour l'assurer de sa présence.

Sung-ki bouge un peu contre le torse d'Anders, sans desserrer ses avant-bras. Lorsqu'il parle à nouveau, ses mots glissent contre la joue du Suédois, puis derrière son épaule. Le danseur a baissé la tête mais, cette fois, il ne déblaie pas ses cheveux trop longs de ses yeux.
— En fait, Min-joon était gay. Et il a été affreusement persécuté pendant les trois ans du lycée.
— C'est... c'est horrible.
La gorge d'Anders se ferme sur elle-même, tandis que le Sud-coréen soupire longtemps.
— Personne ne lui parlait. Si on lui parlait, on risquait de se faire harceler aussi. Il y a des élèves qui le frappaient, qui déchiraient ses affaires et ses vêtements, et ils jouaient... ils jouaient à des jeux comme lui enfoncer des punaises dans le corps, toute la classe, et c'était un concours, et les profs, apparemment, s'intéressaient aux résultats.

Sung-ki serre les poings dans la nuque d'Anders. Il manque de mots pour formaliser à haute voix une telle réalité, de tels souvenirs.
— Les... les profs aussi... Mon dieu. Ce pauvre garçon...
Le Suédois pose son front contre celui de Sung-ki et ferme les yeux :
— Je suis désolé...
Il ne peut qu'imaginer la peine et la douleur que Min-joon a pu ressentir, l'abandon, la distance, le désespoir, sans doute.

Soleil invaincu (2e partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant