Suit les textes « Scandale -- Le début de la fin (1) » et « The trick is to keep breathing (1) » dans le recueil « L'été est une saison variable ».
Avertissement : homophobie
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Busan
Sung-ki pousse le petit portail blanc qui s'ouvre sans un son. Il se souvient des grincements qu'il faisait de manière régulière lorsqu'il habitait ici. Mais cela ne durait pas : son père, qui ne supporte pas ce genre de bruit, sortait en trombe de la maison aussitôt après y être rentré du travail, armé de son flacon d'huile afin de graisser les gonds.
— Je vais peut-être m'asseoir à côté du porche pour t'attendre, dit Kyung-hwan après avoir fait quelques pas dans le jardinet avant.
Il porte un chapeau, un masque, et des lunettes de soleil immenses qui dissimulent tout le reste de son visage en plus de ses yeux.
— C'est peut-être mieux que tu ne te présentes pas devant eux avec un autre garçon, si jamais... si jamais ça ne leur plaît pas.
Le danseur hoche la tête sous la visière de sa casquette.
— Ça ne leur plaira pas. Alors oui, c'est sans doute mieux.
— Quoi qu'il se passe, je suis là et je t'attends.
Une fois de plus, l'air un peu absent tandis qu'il contemple la façade de l'habitation où il a passé toute son enfance et son adolescence, Sung-ki acquiesce.Il prend une grande inspiration, remonte la lanière de son sac sur son épaule et grimpe les quelques marches qui mènent vers l'entrée, tandis que Kyung-hwan s'assied sur le sol sans le quitter des yeux.
Dans l'attente d'une réponse à son coup de sonnette, le danseur ôte ses lunettes, son masque et sa casquette, puis sautille nerveusement d'un pied à l'autre.
Enfin, la porte s'ouvre sur une dame dans la quarantaine aux cheveux courts, au visage rond. Elle ne remarque pas le mannequin en contrebas ; elle ne voit que son fils et met une main devant sa bouche.
— Bonjour, Maman, dit Sung-ki d'un ton qu'il essaie de rendre enjoué, mais dans lequel son meilleur ami entend l'angoisse et l'incertitude. Tu dois être surprise de me voir, et je m'excuse beaucoup de venir sans prévenir, mais je crois que j'ai des choses à vous dire et je voulais le faire sans attendre...Comblant le silence qui lui répond, un jappement résonne tandis que Mongshil, le Spitz japonais blanc de la famille Sun, pointe le bout de sa truffe à côté des jambes de sa maîtresse.
— Mongshil ! s'écrie Sung-ki d'une voix plus proche de son timbre habituel. Tu me reconnais ?
Il tend les doigts vers le chien, qui les renifle en jouant la queue.Le danseur lui flatte le museau, lui gratte le crâne tandis que sa mère s'écarte et disparaît dans les profondeurs du couloir.Sung-ki lui emboîte le pas après s'être retourné pour jeter un dernier regard à Kyung-hwan. Ce dernier, lorsque la porte se referme sur son ami, a l'impression qu'elle est une bouche qui l'engloutit.
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L'entrée en matière de madame Sun est sans détour.
— Tu n'as plus de travail maintenant, n'est-ce pas ?
— Non, c'est vrai. J'imagine que tu as vu dans la presse...
Elle se sert une tasse de thé, puis poursuit sur sa propre lancée, ignorant les mots de son fils qui s'est à nouveau baissé pour caresser Mongshil.
— Tu vas pouvoir revenir t'installer ici, alors. Tous ces voyages à l'étranger t'ont changé, et pas en bien. Il est temps que tu rentres à Busan pour que tu redeviennes toi-même. Toutes ces influences vont vite disparaître, et ces sottes idées dans ta tête.
Sung-ki se mord la lèvre en se redressant.
— Euh, Maman, si tu parles du fait que je sois gay... je le suis vraiment.
Madame Sun repose sa tasse avec agacement.
— Oh, non. Je ne t'ai pas mis au monde gay. Je sais encore comment j'ai mis au monde mon fils et comment je l'ai élevé.
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Soleil invaincu (2e partie)
RomanceSuite de « Soleil invaincu ». Sung-ki et Anders se retrouvent à Séoul en novembre, et ce qui devait arriver arrive. Tout est ©️Shukimo Studio/Alba/Aël.