Soleil invaincu (2e partie)

Juin -- Scandale (3)

Aéroport international d'Incheon

Le retour à Séoul est un cauchemar.

Dès qu'ils passent les portes du sas des arrivées, les flashs des appareils photos les aveuglent malgré leurs lunettes de soleil et les visières des casquettes, baissées devant les visages d'autant de degrés que les fronts. Ils essaient de faire profil bas, mais c'est impossible face à un tel alignement de médias.

Derrière, les fans forment une marée qui gronde, loin des aigus de l'hystérie habituelle. Ce ne sont plus des mots d'amour qui sont jetés vers eux, mais des protestations véhémentes. De l'indignation. Des demandes de comptes. Des appels à la honte. C'est mieux qu'ils ne relèvent pas les yeux, car ce serait un deuxième affront face à celles qui exigent à présent leur contrition pour leur avoir manqué de respect. L'atmosphère n'est plus aux étoiles et à l'adoration : elle est électrique, prête à flamber à la moindre étincelle.

Manager Kim a contacté SYW Entertainment avant le décollage de l'avion pour demander qu'un dispositif de sécurité soit mis en place à l'aéroport d'Incheon, anticipant le chaos. Plusieurs agents tentent donc de frayer un chemin au groupe entre les caméras et les troupes compactes de Summers aux visages baignés de larmes ou tordus de colère. La bousculade est continue ; les gardes du corps peinent à ouvrir la voie autour de Sung-ki et Kyung-hwan, qui viennent en premier. Comme les deux jeunes hommes, les agents sont poussés par la force du nombre, ballottés en fonction des mouvements de la foule.

Des mains s'agrippent à eux, tirent sur le bras du danseur comme à Los Angeles. Des poings le frappent lorsque les préposés à la sécurité traînent à leur barrer la route. Des ongles le griffent. La couture de sa manche craque ; son sac lui est presque arraché. Les gardes du corps font de leur mieux, repoussent parfois les fans avec la même violence que celle qu'elles mettent à tenter de s'approcher. Des cris outrés s'ajoutent alors ; des jeunes filles tombent dans la bousculade. Les deux idols marchent en zig-zag, secoués, pressés entre les membres de la sécurité qui essaient au maximum de faire rempart.

Cela aurait pu n'être que Sung-ki que l'opprobre clouait sur la croix : point de mire du désespoir et de la rage de son public, le danseur est en effet celui qui l'a trahi. Les insultes sont si nombreuses qu'au bout d'un moment, le jeune homme n'entend plus qu'un brouhaha hostile sans distinguer les mots, qui se sont de toute façon gravés dans son esprit dès la première fois.

Tu n'as pas vraiment fait ça.
Tu étais sûrement saoul.
Tu as été forcé.
Tu t'es moqué de nous.
Tu nous mens depuis le départ.
Tu nous a volées.
Tu nous a trahies.
Tu nous as utilisées.
Tu ne nous as pas fait confiance.
Tu as été faux.
Tu es une disgrâce.
Tu es malade.
Tu vas te faire virer.
Tu devrais mourir.
Tu auras nos suicides sur la conscience.
Tu ne nous mérites pas.

Il y a celles qui sont furieuses qu'il soit gay parce qu'elles le veulent hétéro. Celles qui sont furieuses qu'il soit gay car il les a trompées en leur affirmant le contraire. Celles qui sont furieuses qu'il ait eu un partenaire plutôt que de les attendre. Celles qui sont furieuses non qu'il soit homosexuel, mais qu'il ne leur ait pas confié ce secret plus tôt. Celles qui le veulent homosexuel, mais en couple avec quelqu'un du groupe. Celles qui sont outrées qu'il n'ait pas demandé la permission des Summers avant de faire quoi que ce soit.

Incheon n'est pourtant rien à côté des centaines de milliers, des millions de messages qui, en une vingtaine d'heures, se sont propagés tous azimuts sur Instagram et les réseaux sociaux. Les reproches continuent sans doute à déferler avec des photos de l'instant, assorties de virulentes critiques sur son comportement trop arrogant, trop peu expiatoire, alors qu'ils essaient péniblement de quitter l'aéroport. Tant ont une raison de lui en vouloir, de le détester du jour au lendemain. Il espère de tout cœur qu'Anders n'aura pas à subir autant de haine par sa faute.