La voiture passe une première fois dans la rue où se trouve l'entrée de l'hôtel, afin de prendre la température de loin. Évidemment, un groupe de journalistes et de fans sont agglutinés sur le trottoir.
— Il faudra bien y aller quand même, soupire Sung-ki.
Il porte une casquette dont la visière tombe sur ses lunettes noires, mais il sait que puisqu'ils le cherchent avec une avidité cannibale, tous ces gens le reconnaîtront malgré tout. Il se mord la lèvre, puis suggère :
— Tu peux me déposer à l'angle de la rue, peut-être ? Je vais envoyer un message à Kyung-hwan pour dire que je suis là ; Manager Kim enverra un agent de sécurité me réceptionner.Anders fixe la troupe amassée près de l'hôtel et sent un frisson d'horreur le parcourir : il a l'impression de jeter Sung-ki dans la fosse aux lions.
— Je peux venir avec toi ?
Le Suédois n'a, lui, ni casquette, ni lunettes noires, mais personne n'est après tout venu là pour le voir ; le jeune homme espère donc passer inaperçu.
— Je ne sais pas si c'est une bonne idée, répond un peu distraitement le danseur. Tu vas être pris en photo, assailli aussi... Elles vont te reconnaître. Elles doivent déjà savoir qui tu es, en plus : elles ont dû chercher avec l'adresse de ton appartement... Tu ne sais pas de quoi les sasaeng sont capables quand elles s'acharnent. Il faut que tu te protèges.Son texto envoyé, Sung-ki rempoche ensuite son téléphone. Tête un peu baissée, il passe un doigt sur le bout de son nez, puis se tourne vers son compagnon.
— Je suis désolé. Je te l'ai déjà dit, mais je suis vraiment désolé... Je sais que tu ne voulais pas être le premier joueur de hockey gay. C'est une de mes fans ; j'aurais dû... Je ne sais pas quoi, car je ne pensais pas qu'ici, il y en aurait une pour passer au-dessus de ta clôture, entrer dans ton jardin et venir coller un œil entre les rideaux. Mais c'est une de mes fans, et je suis vraiment désolé. Bon, voilà la sécurité sur le trottoir. Il faut que j'y aille ; je sors ici.
— Personne n'aurait pu y penser, et tu n'es pas responsable, insiste Anders. Pour le reste, c'est fait, et je gérerai ça plus tard avec le club. Pour le moment, je ne veux pas te laisser tout seul. Laisse-moi venir, s'il te plaît ?
La voiture immobilisée, Sung-ki offre pour toute réponse la demi-esquisse d'un sourire avant d'ouvrir la portière et de descendre du véhicule. Aussitôt, deux agents de sécurité l'encadrent pour sa protection, une main sur chaque omoplate. Le Sud-coréen, qui marche d'un pas rapide vers la devanture de l'hôtel, front baissé, ressemble à un inculpé escorté par la police vers le lieu de sa sentence.Quelques secondes plus tard, Anders sort de la voiture à son tour. Celle-ci est mal garée, à moitié sur le trottoir, mais il s'en moque. Il suit Sung-ki de loin tandis que ce dernier se rapproche de l'attroupement qui gronde.
Devant l'entrée, les flashs des appareils photo se déchaînent, les cris des questions et des commentaires aussi, alors que tous ceux qui attendaient le main dancer de pied ferme se précipitent vers le trio en approche.
Beaucoup de fans glapissent le nom de Sung-ki ; certaines sont en larmes et jettent des « pourquoi ? » éplorés. La foule agitée se referme autour des hommes qui tentent de la percer. Deux micros sont fourrés devant le visage du danseur avant d'être écartés par un garde du corps. Une fille parvient à agripper l'avant-bras du jeune homme, les doigts comme des griffes.
— Menteur !
Sung-ki ne répond rien tandis qu'un agent, d'un coup, la force à lâcher prise pour qu'ils puissent continuer à progresser.
— Menteur ! hurle encore la jeune fille avant d'éclater en sanglots.Quand Sung-ki franchit enfin la porte du luxueux hôtel, Anders pousse un soupir, heureux de voir son compagnon enfin à l'abri du bruit, de cette déferlante agressive et accusatrice. Mais les fans cherchent alors un autre réceptacle à leur déception. Leurs regards se tournent vers le Suédois, qu'elles n'avaient jusqu'à présent même pas remarqué.
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Soleil invaincu (2e partie)
RomanceSuite de « Soleil invaincu ». Sung-ki et Anders se retrouvent à Séoul en novembre, et ce qui devait arriver arrive. Tout est ©️Shukimo Studio/Alba/Aël.