Chapitre 3 : Une lettre

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La nuit est longue. Mon cerveau n'a pas décidé de s'éteindre. Le sommeil ne veut pas venir m'envelopper. Alors je somnole. Je me retourne. M'allonge sur le dos. Puis sur le ventre. Vais boire un verre. Me promets de m'endormir maintenant. Vient alors l'envie d'aller aux toilette. Et c'est reparti pour les changements de position pour tenter de dormir.

A 8h15, j'entends la porte de ma chambre s'ouvrir. Ma mère vient me réveiller ou tout du moins me sortir du lit. Elle me murmure :

— Joyeux anniversaire ! Tu vas tout réussir ! N'ai pas peur, je pense que tu es la meilleure !

Je me sens confiante comme si je croyais immédiatement ses paroles.
D'ailleurs, un mystère s'ajoute. Je ne comprends pas pourquoi elle utilise ce vocabulaire. A moins, qu'elle sache...
Je me retourne et ouvre les yeux pour lui signifier que je suis réveillée. Je marmonne :

— J'arrive.

Malgré mon cerveau embrumé, je me sens requinquée par ce doux réveil.

A 8h50, je suis prête. A 8h55, Louise arrive. A 9h00, on est dans la voiture. Tout le monde suit le rythme imposé par mon père.
Louise m'a souhaité un joyeux anniversaire du bout des lèvres. Depuis, elle évite mon regard.
Je ne sais pas où on va.
Personne ne semble vouloir interagir avec moi.
Je marmonne joyeux anniversaire Chloé.
Je me sens à nouveau seule.

Nous traversons des rues inconnus. Je ne suis jamais allée dans cette direction. Nous nous arrêtons devant un grand immeuble. Il ne ressemble pas à un parc d'attraction. Il a plutôt l'air d'abriter des bureaux.
L'ambiance à l'intérieur ne fait que le confirmer.
Ma mère nous annonce au nom d'Ilemilna. C'est la première fois que je l'entends. Ce n'est pas notre nom de famille. L'employé a cependant l'air d'avoir un rendez-vous à ce nom et se lève.
Je regarde mes parents et Louise d'un air inquisiteur. Je veux juste pourvoir échanger un regard avec l'un d'eux pour sentir que je ne suis pas la seule perdue. Mais ils regardent tous droit devant eux. Pas de contact. J'ai compris.
Je me sens toujours seule.
Happy birthday !

L'employée nous demande de la suivre et nous nous enfonçons dans le couloir. On entre dans une pièce où nous attendent deux personnes.
Sur le bureau, deux tas de papiers sont disposés. Dans la salle, il n'y a que trois chaises. L'un de nous va rester debout.
Nous nous serrons la main poliment. Puis, l'une des personnes nous fait signe de prendre place. Louise prend alors la parole :

— Est-il possible de m'indiquer les toilettes ?

— Deuxième porte à droite.

Elle sort sans prendre la peine de déposer son sac. Elle doit avoir ses règles.
Je prends cependant cette sortie comme une nouvelle trahison. Elle vient de renier notre plan. Elle ne devait pas me quitter. Ne pas me laisser seule. Psychologiquement, c'était raté. Elle rajoute la dimension physique.

Je suis toujours en train de fixer la porte quand on me tend un paquet de feuilles. Je sors de mes pensées et m'empare des papiers. Je tente d'analyser la situation. Devant moi, un bureau désormais vide. Derrière le bureau, deux inconnus. De chaque côté, mes parents sont assis et me regardent.
Je porte plus d'attention au paquet. Ça ressemble à une lettre. Un contrat à ma connaissance n'est pas écrit en calligraphie. L'écriture est lisible et agréable. Je démarre la lecture.

Chère Anatholie, (C'est quoi ce nom ? Première fois que je l'entends...)

J'ignore comment Jocelyne et Damien, tes parents d'adoption, t'ont renommée mais sache que c'était le nom que je t'avais donné à ta naissance. (Qui sont ces gens ? Des parents d'adoption ? Cette lettre m'est-elle vraiment destinée ?
Je relève la tête. Ma mère m'adresse un signe de tête pour me signifier continue. Je reprends ma lecture.)

A l'heure où j'écris cette lettre j'ignore quel âge tu auras quand je devrai me séparer de toi pour te protéger. Te restera-t-il quelques souvenirs de moi ? J'ose l'espérer.

Tu dois sûrement ne rien comprendre à ce que je t'écris. Essaye de mettre en lien avec tout ce que Jocelyne et Damien ont pu t'enseigner sur Limëlian. (Ah tiens, encore un nouveau nom. Je suis sûre à 96% que cette lettre n'est pas pour moi. On ne m'a rien enseigné du tout...)

J'espère que les galecs ne t'ont pas retrouvé. (Les galecs ? La liste des noms inconnus s'allonge et ça commence à faire beaucoup trop pour mon petit cerveau fatigué. Si la prochaine phrase ne fait aucun sens. J'arrête la lecture.)
Si c'est le cas, ils t'ont sûrement contacté pour te menacer. (Je sens l'adrénaline se propageait dans mon corps. La probabilité que cette lettre ne me soit pas destinée vient de diminuer.)
Ne les laisse pas t'appeurer. Ils aiment faire paniquer leurs victimes pour altérer leur réflexion. Ne te laisse pas avoir. (Plus facile à écrire qu'à faire.)

Sache qu'ils ne t'attaqueront sûrement pas. C'est pourquoi je voulais que tu aies 19 ans pour récupérer la Perle. Elle te permettra de canaliser ton pouvoir (L'auteur.e. de cette lettre a l'air de penser que je sais quelle est cette perle tout comme quel est mon pouvoir. Une part de moi veut croire qu'il s'agit d'une mise en scène qui va enchaîner sur une chasse au trésor fictive pour mon anniversaire. Mais il reste la réalité de la menace qui me convainc de continuer à lire avec un œil un peu sérieux)

Maintenant, tu peux te défendre. Tes pouvoirs sont utilisables. Cependant, il te faudra de l'entraînement pour contrer l'influence des gens. Chaque fois que quelqu'un émettra un avis devant toi en utilisant "je pense que" tu l'intègreras dans ton cerveau comme si tu y croyais. (Est-ce ce qu'il s'est passé ce matin avec ma mère quand elle m'a réveillé et encouragé ?)
En échange de cette difficulté, tu peux convaincre qui tu veux de faire ce que tu veux. Fais tout de même attention, tu ne peux l'utiliser tout le temps.
Le sang de la famille la plus puissante de Limëlian coule en toi. Je pense que tu devrais réussir à te défendre contre les galecs. (Je sens à nouveau un excès de confiance se répandre dans mon cerveau. Suis-je vraiment sensible à l'opinion des gens ?)

Il te faut retrouver la Perle et la protéger. J'ai dessiné un plan pour que tu la retrouves. Il est joint à cette lettre.
Ne fais confiance à personne mis à part à Jocelyne et Damien. Tu peux compter sur eux. (Merci du conseil mais j'ignore toujours qui sont ces gens.)

J'espère te revoir un jour ma fille. (Ma fille ?)

Villat Ilemilna

Je cherche la page où est dessiné le plan. Elle n'est ni au verso de la lettre ni sur le bureau.
Je ne parviens pas à savoir si je crois ou pas à ce qui est écrit.

Je regarde autour de moi.
Louise n'est pas là.
Mes parents me font signe qu'il faut y aller.
Je comprends encore moins ce qu'il se passe.
Si cette lettre avait pour but de m'éclairer, c'est raté.

L'héritage de Limëlian (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant