Chapitre 6 : Un soupçon de danger

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Je marche. Mon corps est en pilote automatique.
Je marche. Ma respiration s'est calmée.
Je marche. Mon cerveau semble être prêt à réfléchir.
J'éteins la musique. Et continue de marcher.

Il me faut faire la part des choses. De quoi puis-je douter ? Qu'est-ce que je peux croire ?

Premier sujet à trancher : est ce que Limëlian, cet autre monde, est réel ?
Mon cerveau s'emballe. Je n'ai aucun élément tendant à prouver son existence.
Peut-être ne devrais-je pas commencer par là...

Recommençons avec un autre sujet.
Je possède des facultés supérieures. Des sortes de pouvoirs magiques.
Il semblerait que je subisse l'influence des gens de manière accrue depuis ce matin. Cela s'est vérifiée à plusieurs reprises.
Tout le monde peut me faire penser ce qu'il veut. Super pouvoir !
Cependant, la lettre parlait aussi d'une capacité à faire faire aux gens ce que je voulais.
Est-ce vrai ? Je n'ai pas encore essayé.
Je tenterais en rentrant pour pouvoir valider ou réfuter cette possibilité.

Je me recentre sur ma respiration.
Je suis assez fière de moi. Je parviens à mettre les choses dans l'ordre sans trop paniquer.
Il est donc temps que j'aborde un autre sujet. Le danger qui me guette. Les galecs.
Est-ce des créatures venues d'un autre monde ? Je ne suis sûre de rien.
En revanche, si la prof était une galec, je suis réellement en danger.
Mon cœur s'emballe. Je tente de me raisonner. Je n'ai encore eu aucune interaction avec eux aujourd'hui.
Pas sûre que cela fonctionne.
Dans les films, c'est toujours à ce moment là que les méchants décident de se montrer.
Les passants qui croisent ma route me rassurent. Je ne suis pas seule. Personne ne m'attaquera.

J'accélère le rythme. Je ne suis pas encore prête à rentrer. A affronter mes parents. A leur demander plus d'explication. Il me faut encore réfléchir à d'autres choses.
Dans mon cerveau, Louise s'impose. C'est le plus difficile.
Je doute de tout. Est-ce que je la connaissais vraiment ?
Est-elle partie de son plein gré ou a-t-elle été enlevé ?
Je n'ai plus aucune certitude. Puis-je toujours lui faire confiance ?
Les larmes commencent à couler.
Je rabats ma capuche pour cacher mon visage aux gens.
Je rallume la musique pour me calmer.
Une chanson et je suis prête à reprendre le fil de ma réflexion.

Une dernière chose est au centre de beaucoup de mes questions : la Perle.
Si j'en crois la lettre, cet objet me permettrait de mieux appréhender mes nouvelles capacités ou tout du moins l'influence des gens. Cette capacité est la seule chose dont je suis à peu près sûre qu'elle existe pour le moment.
Cependant, pour prouver l'efficacité de la Perle, il faudrait l'avoir. Or, le plan ayant disparu, mes chances de la retrouver sont très très maigres.
A moins que je trébuche par hasard dessus.

Je regarde autour de moi.
Mes pas m'ont entraîné à la bibliothèque.
Rien ne semble anormal.
Je rentre et demande une feuille et un stylo.
Je m'assieds à une table et fais plusieurs listes.
Une liste de ce qu'il faut vérifier.
Une liste de ce qui est sûr.
Une liste de questions à poser.

Je réfléchis. Écris ce que j'ai pensé durant ma marche. Relis la lettre. Écris de nouvelles choses.
L'idée de faire un tableau des points positifs et négatifs me traverse l'esprit. Cependant, je ne le fais pas. J'ai conscience qu'une des deux colonnes serait plus remplie et ça ne sera malheureusement pas les points positifs.
Je lève la tête. La bibliothèque s'est vidée. Elle va bientôt fermer.
Je sors avec de nouvelles résolutions. Mes parents sont les seuls qui puissent m'aider. Il faut donc que je leur soumette ma liste de questions.
Je suis aussi prête à leur faire lire la lettre pour qu'ils puissent bénéficier de plus d'informations.

Je marche donc d'un pas rapide pour rentrer chez moi.
Malgré mes écouteurs, j'entends une voix qui m'est inconnue :

— Anatholie ! Chloé ! Te voilà enfin ! Je pense que tu as envie de faire connaissance avec moi.

L'utilisation des deux prénoms ne me permet pas de douter que ce soit à moi que l'on s'adresse. Je sens la dernière phrase se frayait un chemin dans mon esprit. Il suffirait d'une remarque en plus pour que j'y croie. Cette histoire d'influence est réelle.

Je me retourne pour dévisager celui qui m'a interpellé.
Avant qu'il recommence à parler, une idée se faufile dans mon cerveau.
Je crie :

— Tu vas me laisser tranquille.

En prononçant ses mots, je sens ma gorge chauffer.
L'inconnu se fige.
Dans mon cerveau, une explosion de joie a lieu. Je ne suis pas tout à fait démunie. Mes mots ont un impact sur les gens.
En rentrant, il faut que je change cette capacité de liste. Ce n'est plus quelque chose dont je ne suis pas sûre.

L'inconnu prend son téléphone :

- Je suis avec la fille. Je ne peux plus m'en charger. Elle est devant la bibliothèque.

Je n'avais effectivement pas prévu qu'il détourne ainsi mon ordre. Je tente de rattraper le coup :

- Appelle le pour lui dire que j'ai pris la voiture.

L'inconnu me regarde sans esquisser un mouvement.
Tu ne peux l'utiliser tout le temps. Ces mots de la lettre réapparaissent dans mon esprit. Il semblerait que ça ne marche pas deux fois à la suite.
Ignorant le temps qu'il faut pour que je puisse à nouveau me défendre, je me mets à courir.
Il faut que j'arrive chez mes parents avant qu'il me retrouve.

L'héritage de Limëlian (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant