Alors que Louise referme la porte, je m'assois sur mon lit et tente de reprendre une respiration normale. Elle s'assied à côté de moi et attend que je parvienne à m'exprimer sans sanglots.
Je prends une grande inspiration et lui explique. Je prends le temps de tout détailler et essaie de ne rien oublier. Une fois mon récit fini, je peux lire dans ses yeux que d'une part elle me croit et qu'elle ne comprend pas plus que moi la situation. Paradoxalement, cela me rassure. Je ne suis plus toute seule à avoir aucune idée de ce qui se passe.D'un seul coup, Louise se lève. Elle commence à s'agiter devant moi. J'ai l'habitude. Dès qu'elle cogite, elle perd le contrôle de ses mouvements et elle se met à faire trop de gestes.
Elle se met à parler en sautillant :— Si ça se trouve, quelqu'un de la promo la connaît et s'est dit que c'était une blague super chouette à faire pour te faire un peu flipper.
L'idée ne me paraît pas bête mais je n'ai pas la sensation que ça soit cela.
— Il faudrait que la prof soit une super comédienne... Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi menaçant ...
A sa tête, je peux voir que Louise est déçue. Mais j'ai l'impression qu'elle ne pensait pas que c'était la véritable raison non plus. Elle a voulu trouver une explication positive et rationnelle. Comme d'habitude.
Elle s'assoit à côté de moi et me pose la main sur l'épaule.
— Bon ! Imaginons le pire scénario ! Ce qu'elle t'a dit est vrai ! Tu es vraiment en danger demain... Cela dit pourquoi elle t'a dit ne t'enfuis pas demain ? Ça sous-entend que tu connais le risque. Or, on est d'accord tu en as aucune idée.
Elle se lève à nouveau et fait les cent pas. Avant de rencontrer Louise, j'avais toujours trouvé cette expression ridicule. Avec elle, cette expression prend tout son sens. Elle continue sur sa lancée :
— Donc il y a un truc qu'elle ne sait pas ! Le fait que tu ne saches rien !
Elle finit sa phrase avec un petit sourire satisfait.
Devant mon air interrogateur, elle reprend :— On est d'accord, ça ne fait pas avancer le schmilblick. Mais c'est un peu rassurant, elle ne sait pas tout de toi. Elle a menti... Ensuite, si on est logiques, il va se passer quelque chose demain qui ne dépend pas d'elle et sûrement ici.
Je ne parviens plus à suivre son cheminement de pensées. Son cerveau est lancé à toute allure alors que le mien essaie juste de conserver les fonctions de base comme respirer.
Mon état de panique doit se lire sur mon visage puisque Louise s'assoit sur ma chaise de bureau en face de moi. Elle reprend alors plus tranquillement :— Elle t'a dit de ne pas t'enfuir demain. Or, face au danger, tu pourrais le faire tout de suite c'est-à-dire ce soir. Donc demain semble l'élément-clé. Et si tu ne pars pas ce soir, c'est que ça va se passer ici. Cela te semble logique ?
Je hoche la tête et gagne un sourire de sa part.
— Ouf ! J'avais peur de toujours pas être claire ! Ensuite, cette prof n'est pas seule. Elle a utilisé "on".
Je l'interromps dans son monologue :
— Oui, mais qui sont ces gens ?
— Je n'en sais rien... Je réfléchis juste à haute voix.
Elle me fait une petite moue qui signifie désolée de t'apporter plus de questions que de réponses. Puis elle se remet à parler :
— J'ai juste un dernier argument en faveur d'attendre demain. Elle s'est permis de te menacer. Elle t'a averti... Elle doit se sentir bien préparée. Tu as une idée du programme de ta journée d'anniversaire demain ?
Je secoue la tête.
— Mes parents n'ont rien voulu me dire. C'est une surprise...
— Tu crois qu'ils ont des réponses ?
— J'en sais rien mais je n'ai pas envie de leur demander.
Louise hoche la tête. C'est sa manière de dire je comprends.
Elle s'est calmée. Elle a exprimé tout ce qui s'était passé dans sa tête.La chambre redevient calme. Mes yeux se perdent dans le vide. Je prends alors conscience du bruit de la pluie qui tombe.
On reste silencieuses. Les minutes s'écoulent.
Dans mon cerveau, c'est le remue-ménage. Les pensées et les théories se bousculent sans que j'arrive à les conscientiser. J'ai l'impression de regarder des ombres chinoises. Je n'ai que la forme grossière. Un rideau me sépare de la réalité.Louise prend une inspiration annonçant une prise de parole :
— Bon imaginons que demain, tu te fasses attaquer. Quels sont nos moyens de défense ?
— Je ne sais pas.
Sous la panique, je n'arrive jamais à réfléchir. Je la laisse donc être le cerveau du plan. Je sens mon cœur s'emballer. La peur prend plus d'ampleur.
— OK ! Alors, déjà, on est ensemble. Tu ne traverses pas ça toute seule. Respire tranquillement. Inspire... Expire...
Elle amplifie sa respiration et je cale mon rythme sur le sien.
Je sens la panique se dissiper un peu. Elle reprend :— Demain, je ne te quitte pas d'une semelle ! Tu auras toujours une garde du corps en ma personne !
Je souris faiblement. Du haut de son 1m60, elle n'a pas tellement la carrure d'un agent de sécurité.
— Ah et je serais aussi camerawoman. Ça dissuadera aussi les gens de se savoir filmés.
Je ne suis pas sûre que ça soit le meilleur plan du monde mais je n'ai pas d'autres idées. Alors, je me contente de hocher la tête.
Je lui fais signe de venir s'installer à côté de moi.
Quand elle s'est installée, je pose ma tête sur son épaule.
Quelqu'un toque. Ma mère ouvre la porte de la chambre :— Désolée de déranger mais on ne va pas tarder à manger. Si tu veux Louise, mon mari peut te ramener. Il doit acheter un dernier truc pour le dîner. Comme ça tu n'auras pas à marcher sous la pluie.
— Oh c'est super gentil ! Je ramasse mes affaires et j'arrive.
Ma mère ressort. Louise n'a aucune affaire à ranger. Elle a juste gagné un peu de temps en tête à tête. Elle m'enlace et me murmure :
— A demain Chloé. Tente de bien dormir. Tout va bien se passer.
Les larmes montent. Je me contente de l'enlacer plus fort.
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L'héritage de Limëlian (en pause)
ParanormalEN PAUSE « Il me faut faire la part des choses. De quoi puis-je douter ? Qu'est-ce que je peux croire ? Premier sujet à trancher : est ce que Limëlian, cet autre monde, est réel ? Mon cerveau s'emballe. Je n'ai aucun élément tendant à prouver son...