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MATHYS
31 août

«Il va falloir qu'on y aille.»

Je hoche la tête. À l'entrée de ma chambre, Félix, mon copain depuis trois ans et demi me regarde en tapant du pied à côté de ma valise. Il ne dit rien, parce qu'il sait que ça me rend mal de partir, mais je suis persuadé qu'il ne va pas tarder à exploser et me hurler de me dépêcher. Alors, je jette un dernier regard à ma chambre. Mes photos, mes peluches, le papier peint Winnie l'Ourson qu'on a jamais pris la peine de changer, ma fenêtre avec vue sur la mer. Tout ça va me manquer, mais je n'ai pas le choix. De toute façon, il est trop tard pour revenir sur ma décision.
Avant de sortir, j'attrape sur mon lit Nana, mon vieux doudou en forme de dragon, que j'ai longtemps pris pour un dinosaure.

« Tu vas quand même pas emmener ça, soupire Félix.
-Bien sûr que si. »

Je souris et l'embrasse, puis il soupire.

« Quelle gamine. »

Aïe. Encore une fois, il parle de moi au féminin. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, mais rien à faire. Il est resté sourd à mon coming-out, comme ma mère d'ailleurs.
Parfois, j'ai envie de lui crier dessus. «Je suis trans ! Je suis un garçon ! Il faudra bien t'y faire!». Mais je n'ai ni le courage, ni la force. Je reste convaincu qu'il acceptera avec le temps, même si ça fait déjà presque six mois qu'il est au courant.
Il reprend la parole en attrapant ma valise.

"On y va. Je pense que ta mère va nous étrangler si tu rates le train."

Je hoche la tête, et le suis dans les escaliers. Ma mère nous attend en bas, l'index sur sa montre. Je hausse les yeux. On va bien évidemment arriver à la gare de Saint-Brieuc avec une demi-heure d'avance mais comme Félix, elle me maintient qu'on sera en retard.
Tandis que ce dernier met la valise dans le coffre, elle me crie qu'on ne sera jamais l'heure, qu'il est hors de question qu'elle m'emmène jusqu'à Paris si jamais je rate le train. Je ne réponds pas. Ça fait longtemps que j'ai appris à ne pas réagir.
Alors que je m'installe sur le siège passager, Félix,derrière moi, pose sa main sur mon épaule.

« Tu vas me manquer. »

Je sens le reproche dans ses mots. Il était contre le fait que j'aille en pensionnat. En fait, il avait beaucoup de difficultés à supporter la séparation quand j'étais seulement en internat et que je revenais le week-end. Alors, que je ne revienne que pendant les vacances, ça lui fait mal. Il me l'a dit de nombreuses fois.
Je lui murmure un « toi aussi », sans conviction. Il ne faut pas que je me mette à pleurer maintenant.
Ma mère démarre la voiture, et on part. Mon train est dans une cinquantaine de minutes, et on arrivera à la gare dans un petit quart d'heure.
J'avais raison. On aura pas de retard.

math&nathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant