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MATHYS

Deuxième week-end de septembre

Cela fait maintenant presque deux semaines que les cours ont commencé, et une routine monotone s'est installée: les cours s'enchaînent sans relâche, Mindy et Guillaume se tournent tellement autour qu'on dirait des toupies, Nathan semble s'être dévoué à rester à mes côtés toute l'année, et Félix continue d'être distant, jaloux et parfois silencieux, même s'il m'a enfin pardonné ma folie capillaire. Je m'en veux toujours un peu, car je sais que c'est pas facile pour lui. J'ai l'impression de lui infliger le fait d'être un garçon, et de le faire souffrir parce que je suis moi-même. Malgré tout, je garde espoir: je sais qu'il finira par m'accepter, parce qu'il m'aime, et je lui laisse le temps. Ce n'est facile ni pour lui, ni pour moi, mais je l'aime trop pour le perdre en insistant. Je dois juste prendre un petit peu sur moi.
Tandis que je planche sur un exercice de géographie en maudissant la mondialisation du café, Mindy sort de la chambre en furie. Vêtue d'une jupe à motif écossais, d'un t-shirt Metallica et de collants troués, elle a décidé de passer son après midi avec Guillaume en ville. Je suis un peu jaloux, même si je ne lui dis pas: je donnerais tout pour pouvoir passer mon après-midi avec Félix, à parler de tout et de rien. Il me manque terriblement, mais je ne peux rien y faire. On ne s'est pas appelé depuis un bon moment, mais il a énormément de travail, alors je ne peux pas lui en vouloir... Enfonçant mes mains dans les manches de mon sweat-shirt gris nerveusement, je me remets à mes devoirs. Mindy étant partie, je m'autorise à mettre de la musique. Je lance par réflexe l'album Regional at Best de Twenty One Pilots, le préféré de mon frère.
Une demi-heure plus tard, trois coups à la porte me font sursauter. J'intime à la personne d'entrer, et je vois Nathan passer sa tête dans l'encadrement de la porte, son habituel sourire un peu timide aux lèvres. Je lui fais signe de s'asseoir sur mon lit. Ces dernières semaines, on s'est beaucoup rapprochés, et je pense même le considérer comme un ami, ou au moins une personne de confiance. Je n'en ai pas fait part à Félix, bien évidemment, car je ne veux pas qu'il se sente rejeté, ou qu'il croie que je l'abandonne... Je coupe la musique par politesse.

"C'était sympa. C'était quoi ?
-La chanson ? C'était Glowing Eyes de Twenty One Pilots, mais je suis pas sûr que tu connaisses.
-Non, pas du tout. Le nom du groupe me dit un truc mais sans plus.
-Ils sont pas tellement connus en France, c'est pour ça... c'était le groupe préféré de mon frère, c'est lui qui m'a fait découvrir."

Je réalise que c'est la première fois que je mentionne Milo devant Nathan. Mon frère n'est habituellement pas un sujet que j'aborde aussi facilement. Je déglutis. Si Nathan me pose des questions à ce sujet, je vais avoir du mal à l'éviter. Heureusement pour moi, il n'enchaîne pas là-dessus, mais sur Félix.

"Tu lui en as parlé ?"

Bien sûr, je lui ai dit que je ne pouvais pas parler de lui à Félix, ou du moins pas tout de suite, mais il me maintenait que c'était mieux de jouer franc jeu avec mon petit-ami, pour ne pas m'attirer de problèmes. Surtout qu'il n'y a rien entre Nathan et moi, si ce n'est de l'amitié: ce n'est donc pas supposé poser problème...

"Non", je soupire, "déjà il est très occupé en ce moment, mais aussi parce que c'est pas facile... Il est jaloux, et c'est normal, on se voit si peu et il en souffre, forcément..."

Nathan range une de ses mèches brunes derrière son oreille et m'adresse un sourire triste.

"C'est pas normal, tu sais. Il est pas sensé être autant jaloux, enfin il devrait te faire plus confiance...
- Arrête, on dirait Mindy... vous le connaissez pas, il est comme ça, c'est tout, et puis c'est ma faute, c'est moi qui suis allé en pensionnat, et...
- Mathys, pourquoi tu rejettes la faute sur toi ? Enfin, c'est lui qui est jaloux, en aucun cas c'est ta faute... je veux bien que tu sois amoureux, mais pourquoi tu lui passes tout comme ça ?"

Je serre les dents, les poings, et sens mon sang bouillir dans mes veines. Peut-être qu'il a raison, et que ce n'est pas ma faute, mais et alors ? Félix a tant fait pour moi, je peux bien lui passer d'être un peu jaloux. D'un ton sec, je lance:

"Tu veux savoir pourquoi, Nathan ? Vraiment ? Très bien."

Nathan ne réagit pas, et semble m'écouter. Très bien, il l'aura voulu. Pour la première fois depuis que j'en ai parlé à Mindy il y a deux ans, je me confie sur mon histoire.




Les chapitres sortent doucement mais sûrement. L'histoire se met en place et n'ayez crainte ça va vite bouger... :)

math&nathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant