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MATHYS

Troisième semaine de Septembre

"Sans vouloir vous vexer, je ne pense pas que ce soit une bonne idée."

Je tripote machinalement les manches de mon sweat en enfonçant mes mains à l'intérieur. Je remue nerveusement ma jambe, et c'est honnêtement un miracle que ma voix ne se soit pas brisée.
Je ne suis pas à l'aise, et ça doit se remarquer. Assis à ma droite à la table du petit déjeuner, Nathan m'adresse un sourire confus, car contrairement à moi, il ne désapprouve pas l'idée de Mindy et Guillaume d'organiser une soirée le week-end prochain.

"Mais Math', t'es pas drôle", soupire Mindy. "C'est pour fêter la fin du mois !
-Et depuis quand la fin du mois a besoin d'être fêtée ? C'est ridicule."

Je sais que Nathan est d'accord avec moi sur ce point, mais il ne me soutiendra pas. Il ne dira sans doute pas non à une soirée. De plus, Guillaume et Mindy en ont déjà parlé aux pions et au CPE, et on a leur accord -à condition de ne pas boire, ni fumer de substances illicites. J'ai la désagréable impression que mon avis est minoritaire.

"En vrai", enchaîne Jules, "ça peut aider à améliorer la cohésion des internes. Je veux dire, ça fait quasiment un mois qu'on est rentrés, et j'ai parlé à personne à part vous.
-Mais on a pas besoin de cohésion", je soupire, "on est juste internes dans le même établissement, on va pas passer le restant de nos jours ensemble !
-Le restant de l'année", me coupe Mindy, "c'est presque pareil ! Et puis merde, une soirée ça peut pas te faire de mal... surtout si y'a ni alcool ni drogues."

Elle lance un clin d'oeil à Guillaume qui rit nerveusement aux mots de la gothique. La soirée ne sera très certainement pas si sobre que prévu initialement. Ma gorge se serre, et la boule qui s'était formée dans mon ventre semble sur le point d'exploser. Je déglutis, et murmure à contrecoeur:

"Très bien. Comptez sur moi."

Je me lève pour débarrasser mon bol. Je tremble, j'ai froid. Je sais très bien ce qui arrive, et je n'aime pas ça du tout. Mon corps pèse une tonne. J'ai du mal à respirer, et me précipite hors du self avant de m'écrouler par terre. Je me roule en boule et ferme les yeux. J'essaie de me calmer, en vain.

"Mathys ? Mathys, ça va ?"

J'entends la voix de Nathan à côté de moi, mais elle me paraît lointaine, comme si je me trouvais sous l'eau. Mon corps me pique, et je peine à respirer normalement. J'entends Nathan courir chercher de l'aide, et après quelques secondes qui me paraissent une éternité, je sens deux mains se poser sur mes épaules. J'ouvre les yeux pour voir Mindy, accroupie face à moi.

"Mathys, regarde moi: cite cinq choses que tu peux voir, quatre chose que tu peux toucher, trois choses que tu peux entendre, deux choses que tu peux sentir, et une chose que tu peux goûter."

Je déglutis et commence à citer n'importe quoi rentrant dans les différentes catégories. Petit à petit, je me sens me calmer. Mindy est arrivée à temps pour m'aider à gérer.

"Il s'est passé quoi ?"

Je relève les yeux vers Nathan. Il est debout, à côté de nous, et je ne l'ai jamais vu aussi inquiet.

"Il a fait une crise d'angoisse", répond Mindy. "Une grosse, vu son état. Il vaudrait mieux l'accompagner à l'infirmerie."

Je secoue la tête. L'infirmière ne m'inspire pas confiance, et je préfère encore aller en sport que de subir ses questions intrusives et indiscrètes.

"T'inquiète, ça va aller", je murmure. "C'est passé. Et on a les évaluations bientôt, je préfère pas rater de cours."

Mindy ne dit rien. Elle se doute sûrement que j'évite l'infirmière, mais mon argument est bon et valable. Nathan se propose pour m'aider à me relever et m'accompagner jusqu'au gymnase, et j'accepte son offre. Sur le chemin, je prends mon portable pour informer Félix de ma crise, comme j'en ai l'habitude. Je ne lui cache rien, que ce soit lors de mes crises d'angoisse, ou quand je me mutile. Je regrette parfois, parce qu'il m'en veut de faire ça. Et c'est exactement ce qu'il me dit par message.

Félix:
Encore... tu t'es déjà taillé ce week-end, c'est moi ou ça empire ?
Essaie de pas ressombrer, tu sais à quel point ça me fait mal
de te voir comme ça...
Pas le choix. Je prends un Air BNB le plus tôt possible et viens
te voir un week-end. Tu me manques, et je veux pas que tu continues
ce genre de conneries.

Je saute de joie à la fin du message, et je crie à Nathan:

"Félix va venir ! Félix va venir !"

Je répète ces mots à tue-tête, en oubliant ma crise d'angoisse, en oubliant cette soirée stupide qui me stresse tant. Félix va venir, enfin je vais le retrouver. C'est la seule chose qui compte. La seule.

math&nathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant