Chapitre 8 - Abus de pouvoir

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J'ai passé le restant de la soirée à me morfondre et mon week-end, enfermé dans mon appart', à ressasser les paroles d'Alexandre. Il me fait tout bonnement chanter : soit je lui appartiens le temps qui lui conviendra, soit Thomas perd son contrat et les contacts qui vont avec bien sûr.

Il avait vu dès le départ ce que je ne voulais pas m'avouer alors : je suis amoureux de Thomas et suffisamment pour tout faire pour le protéger, pour vouloir qu'il soit heureux, même si cet amour reste à sens unique. De toute façon, il est hétéro, je n'ai rien à attendre, rien à espérer. Etre son ami, à ses côtés quand il rit, c'est déjà pas si mal après tout.

Je n'ai mis que Chris dans la confidence, j'avais besoin de parler à quelqu'un. Nous en avons discuté jusque tard le samedi soir : il me conjure d'en parler à Thomas mais je m'y refuse et je lui fais promettre de garder tout ceci pour lui.

*

Comme il l'avait indiqué, Thomas part en déplacement le mercredi, pour ne revenir que le lundi suivant. J'en suis presque soulagé car l'ambiance est tendue entre nous depuis le début de la semaine. Il ne doit certainement rien comprendre à la situation mais je préfère qu'il m'en veuille à moi plutôt que de faire une bêtise qui pourrait mettre son activité en péril.

Il faut croire qu'Alexandre a entendu parler du départ de Thomas car le mercredi soir, il m'attend à la sortie de mon travail :

- Bonsoir Gabriel, seriez-vous disponible pour dîner avec moi ?

- Est-ce que j'ai le choix ?

- Voyons, nous avons toujours le choix mais encore faut-il être capable d'en assumer les conséquences. Dit-il souriant.

J'ouvre la porte de sa voiture et y monte sans autre réponse.

*

Il m'emmène dans un restaurant luxueux : tout ce que je déteste, c'est pompeux, clinquant et tape à l'œil. On nous installe sur une table dans un endroit discret, un endroit romantique, idéal pour des amoureux.

Je dîne sans appétit, étalant la nourriture dans l'assiette sans vraiment y toucher, parlant à peine et répondant par monosyllabe. Mon manque d'enthousiasme finit par agacer Alexandre :

- Allons, mettez- y un peu du vôtre Gabriel. Je ne suis pas de si mauvaise compagnie après tout. Je suis bel homme, j'ai une bonne situation et je peux vous offrir tout ce que vous désirez. Si vous reconsidérez les choses intelligemment vous vous rendrez compte que vous n'êtes pas si perdant que cela.

Il sirote son verre de vin tout en me sortant son laïus. J'essaie de garder mon calme mais je lui réponds d'un ton cinglant :

- Je dois donc comprendre que la seule façon pour qu'on s'intéresse à vous est d'acheter les gens ou de les faire chanter ?

Ma réplique a fait mouche, visiblement, et il ne l'apprécie pas :

- Prenez garde à votre attitude Gabriel. Votre caractère rebel est séduisant certes mais si j'étais vous je n'oublierais pas ce qui est en jeu et surtout où est ma place.

- Surement pas près de vous en tout cas.

Ma tentative de résistance ne fait que l'amuser manifestement. Il ne me regarde même pas quand il m'avise :

- Je ne suis pas très patient alors je vous accorde encore une journée pour céder à ma...requête. Je vous conseille fortement de le faire de votre plein gré. Si ce n'est pour vous, faites-le pour votre cher Thomas.

Mon visage se ferme à l'évocation de son nom, il sait que c'est mon point faible à présent et il l'utilisera pour obtenir ce qu'il veut. Peut-être que finalement, céder rapidement pour qu'il se lasse tout aussi vite est la meilleure solution.

- Voilà, je vois à votre expression que vous commencez à comprendre et à devenir raisonnable finalement. Reprend-il.

- Je crois que c'est assez pour ce soir, j'aimerais rentrer chez moi à présent ... S'il vous plait.

Je fais de mon mieux pour ne rien laisser paraître mais je suis désemparé et, j'ai beau chercher, je n'entrevois aucune solution pour me sortir de ses griffes.

Il accède à ma demande, fort de sa victoire, et me dépose à mon domicile. Il descend de voiture et m'accompagne à la porte du hall d'entrée.

Je l'ai à peine ouverte qu'il me plaque contre celle-ci, me saisit le visage et m'embrasse. Son baiser n'a rien de doux, ni de gentil, il est brusque et douloureux. Il ne fait que marquer son territoire.

Il me relâche en souriant, le regard triomphant, et rejoint sa voiture sans un mot.

Quand il disparaît, je m'essuie les lèvres du revers de la main et crache au sol. Je passe les vingt minutes suivantes à me brosser les dents comme un forcené.

*

La nuit a été catastrophique, peuplée de cauchemars. Je ne suis que l'ombre de moi-même quand j'arrive au travail le lendemain et j'exécute mes tâches par automatisme. Je suis heureux de ne pas avoir à expliquer mon état à Thomas mais son absence me pèse. Quant aux autres, ils n'osent pas me questionner.

La journée s'étire, terriblement longue, et en même temps les heures qui défilent me font redouter le moment où je vais devoir sortir d'ici. L'angoisse d'Alexandre m'attendant comme hier me serre les entrailles.

L'infime espoir de pouvoir m'en sortir ce soir disparaît quand je découvre la voiture d'Alexandre stationnée en bas de chez moi :

- Gabriel ! Enfin de retour. Quel plaisir de vous retrouver !

- Désolé mais le plaisir n'est pas partagé. Je marmonne la réponse plus pour moi-même.

- Ah, on joue encore les récalcitrants à ce que je vois, comme c'est rafraîchissant. Auriez-vous l'amabilité de m'offrir un verre chez vous ?

- Il y a un parc juste à côté, on peut marcher d'abord ?

Je ne me sens absolument pas prêt à le voir chez moi, je n'en supporte tout simplement pas l'idée. Mais c'est ce qu'il recherche, il est ce genre de personne : il veut imprimer son empreinte sur tout ce qui vous touche. Il veut que vous compreniez qu'il peut faire ce qu'il veut, quand il veut, comme bon lui semble, qu'il peut tout salir si cela lui chante...

Il montre nettement que la marche l'enchante guère mais me fait signe que nous pouvons y aller. Le parc est désert en ce début de soirée. Nous déambulons entre les arbres quand il rompe le silence :

- Vous savez que reculer l'échéance ne la fera pas disparaître, je suppose ?

- J'en ai conscience oui. Je réponds, tête baissée.

- Bien, c'est que je voulais entendre.

Je n'ai pas le temps de réagir, quand, d'une main il emprisonne mes poignets et qu'il me plaque contre le tronc d'un arbre. Sa main libre se glisse déjà sous mon T-shirt et remonte jusqu'à ma poitrine pinçant mon téton avec violence. C'est une brute qui déploie une force incroyable, il n'en est surement pas à son galop d'essai.

Je suis pris de panique, je tente de me débattre mais sa force me laisse impuissant. Il m'immobilise complètement en calant une jambe entre les miennes. Il m'embrasse tout aussi brutalement dans le cou, sa langue dégoûtante parcourant ma peau. Sa main glisse à présent en bas de mes reins cherchant à passer le barrage de mon jean. Il grogne de satisfaction : le fait de me dominer, de me soumettre est une jouissance pour lui.

J'ai les larmes aux yeux, je lui crie d'arrêter mais mes supplications ne font qu'exacerber son excitation. Sa langue remonte le long de ma joue jusqu'à mon oreille et d'une voix enfiévrée il me murmure :

- Tu es à moi à présent, tu es à moi ...

***

Son comportement est anormal, il me cache quelque chose mais il s'entête à ne rien vouloir dire. Je ne l'ai jamais vu aussi abattu et je ne sais pas pourquoi mais ça me perturbe de le voir ainsi. 

Le ChallengeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant