Chapitre 25 - L'ombre du passé

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Nous sommes beaucoup plus sages les jours suivants, nous laissant le temps de prendre conscience de cette soirée si renversante.

Et puis, je ne veux rien précipiter non plus par peur qu'il ne réalise ce qu'implique notre relation. Qu'elle-est-elle d'ailleurs ? Nous ne sommes pas véritablement des amants, nous sommes encore moins un couple. A-t-il seulement réfléchi à ce que c'est de sortir officiellement avec un homme ? Aux conséquences inéluctables sur sa vie, peut-être sur son travail ? Je sais ce que c'est de se faire insulter parce que je suis homosexuel, mais lui ? Est-il prêt à supporter d'éventuelles remarques ?

J'ai l'impression d'être un voyageur sur un quai de gare, ne sachant pas encore quel train prendre, dans quelle direction aller et ne sachant pas si mon sac contient les bonnes affaires pour faire face au voyage qui m'attend.

Mais si je suis honnête, je crois que j'ai aussi peur de moi. Rêver d'être avec la personne qu'on aime est une douce et rassurante illusion. Elle est comme un nuage dans le ciel, visible mais hors d'atteinte, c'est le deal dès le départ. Alors quand cette illusion semble tout à coup réalisable, atteignable, elle apporte son lot d'espoirs, de rêves nouveaux, d'attentes plus ambitieuses et c'est terrifiant.

Je n'avais pas ressenti autant la crainte de l'échec, de ne pas être à la hauteur et surtout la peur de l'abandon ou du rejet depuis que j'ai quitté la maison de mes parents. Je me rends compte à quel point mes sentiments pour lui sont capables de me porter mais ils sont tout aussi capables de me détruire. J'ai espéré qu'il me regarde et qu'il m'aime mais sans songer véritablement à un avenir concret.

Je réalise à quel point j'ai fui toute forme d'engament sentimental jusqu'ici en dehors de mes amis. Mes quelques liaisons n'ont jamais duré plus de quelques semaines, trouvant toujours une excuse ou une raison pour y mettre fin. L'amour que je porte à Thomas est unique, j'en prends enfin conscience. Quoi qu'il arrive, je ne pourrais aimer personne d'autre comme je l'aime lui.

Thomas me surprend, finalement, il semble bien plus calme que moi à gérer cette situation. C'est lui qui devrait être déstabilisé, en train de se torturer l'esprit au lieu de moi qui laisse libre cours à mes doutes et mes anciennes angoisses.

Je secoue la tête, ça suffit, le travail ne va pas se faire tout seul comme par enchantement. Je me reconcentre sur mon écran : une chose à la fois, un jour après l'autre, c'est déjà bien suffisant pour l'instant.

*

La pause déjeuner est la bienvenue. Mon portable, qui était sur vibreur, affiche un SMS. Eléonore, la directrice de l'association qui m'a aidé à l'époque, me demande de la recontacter sans plus d'explication. Il doit se passer quelque chose pour qu'elle me contacte ainsi.

Je m'isole dans un bureau vacant pour la rappeler :

- Bonjour Eléonore, c'est Gaby, j'ai reçu votre message. Que se passe-t-il ?

- Gaby, bonjour, merci de me rappeler. Ecoute, je ne sais vraiment pas comment t'annoncer cela alors je vais être directe : ta mère nous a contacté. Elle a demandé si nous avions tes coordonnées. Je lui ai dit que je n'étais pas sûre de les avoir. J'ai pris son numéro en lui indiquant que je ne pouvais rien lui promettre. Que veux-tu que je fasse ?

L'annonce est tellement inattendue que j'en reste sans voix. Plus de dix ans, sans se voir ni se parler. Le mot mère a perdu toute signification pour moi, depuis, il n'est plus qu'un terme désuet du passé. La voix d'Eléonore, me ramène à la réalité :

- Gaby ? Gaby ? Tu es toujours là ?

- Oui, pardon Eléonore, ça fait tellement bizarre ...

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