Chapitre 4 - Sursis or not sursis

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Les jours suivants, je rencontre tour à tour les autres codirigeants et amis de Thomas si bien que je ne me retrouve seul avec lui à aucun instant.

Je fais donc la connaissance de Will, informaticien hors pair, aucun ordinateur ou système informatique ne lui résiste. Il se montre réservé, pas timide non plus mais il ne parle pas plus que nécessaire.

Geoffrey est le spécialiste du groupe pour la création de site internet et du référencement dans les moteurs de recherche. Il est plutôt amicale mais assez dur à suivre dès qu'il parle de son cœur de métier.

Enfin, je rencontre Alban, son truc, ce sont les chiffres. Il excelle dès qu'il s'agit de comptabilité, de statistiques et de probabilités. Si les autres parlent peu, lui est un véritable moulin à paroles.

Il m'explique qu'ils se sont connus pendant une formation force de vente/commerciale. Ils avaient tous les quatre un profil assez similaire : bosseur, préférant étudier que sortir, peu enclin à l'amusement, sociable mais solitaire, choisissant leur hobbie respectif à toute autre activité.

Thomas, me dit-il, sortait du lot avec son esprit de synthèse aiguisé. Analyser et détailler une situation, déceler les failles d'une organisation, étudier la faisabilité d'un projet le passionnait et il était bon dans cette pratique. Et en bonus, ses 1,92m et son physique avantageux était un atout dans les relations clients.

Il leur était évident qu'à eux quatre, ils formaient une entité complémentaire. Ils avaient donc conclu qu'après la fin des études et un minimum d'expériences professionnelles, ils devaient créer leur propre entreprise ensemble. Cela leur avait pris plus de dix ans pour y arriver mais n'ont pas hésité un instant, il y a deux ans, quand les bagages et les fonds nécessaires étaient enfin réunis.

Je suis impressionné par son récit et leur détermination. Ils avaient travaillé dur et n'avaient jamais perdu de vue leur objectif. J'en oublie presque mon contentieux avec Thomas que je vois maintenant comme un homme volontaire, ambitieux et tenace.

*

Les éléments requis récoltés, je me mets à plancher sur une maquette pour leur nouveau support commercial. Après quelques jours de nouvelles concertations et de modifications, elle remporte un franc succès et est approuvée rapidement. A la remise du projet définitif, Thomas me reçoit dans son bureau :

- Je reconnais que votre commercial ne s'était pas trompé en parlant de vous. Votre travail est de très bonne qualité et vous avez su parfaitement saisir l'esprit de notre entreprise. Vous faites effectivement un excellent travail quand vous ne vaquez pas à vos passe-temps étranges. Dit-il en appuyant son regard sur moi.

Je grimace en accueillant la petite pique. Il n'avait rien dit ni rien fait depuis notre altercation de la dernière fois. Le message est clair, la trêve est terminée : il n'a pas oublié et me le fait savoir. Je pense en revanche que, tacitement, nous savons l'un et l'autre que l'excès de violence dont il a fait preuve alors est une chose qui ne se reproduira plus. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il abandonne la partie et cette incertitude me tenaille et me garde en alerte. Je lui réponds cependant :

- Malgré tout ce que vous pouvez penser de moi, je suis quelqu'un de sérieux et assidu. Je suis très heureux que mon travail vous plaise. Quel dommage qu'il soit déjà terminé, ces quelques jours en votre compagnie était forts instructifs et tellement plaisants.

Mon ton est un peu plus narquois que voulu. J'essaie de jouer encore les téméraires au lieu de faire profil bas : je me traite d'idiot intérieurement.

J'hésite un instant mais j'ose une question timidement :

- Puis-je considérer que nous sommes quittes à présent ?

- Mmmm ...Pour le moment, disons que nous le sommes. Mais qui sait de quoi est fait demain.

Il m'adresse alors un sourire que j'ai du mal à interpréter. Perplexe, je retourne à mon bureau.

*

Deux jours plus tard, mon manager me convoque pour un entretien.

- Gabriel, installes-toi je te prie. Je tiens d'abord à te féliciter pour le travail que tu as effectué avec la boite de coaching. Ils l'ont beaucoup apprécié et cela entérine notre collaboration à venir. Comme tu le sais, nous avons signé un contrat de sous-traitance avec eux. Dans leur organisation et pour répondre à leurs clients, il leur manquait jusqu'ici un graphiste. Ils ont déjà plusieurs missions à nous confier et au vue de ton application, ils demandent à travailler exclusivement avec toi, ou en tout cas principalement dans la mesure du possible, ce que nous avons accepté.

Je comprends maintenant la dernière tirade de Thomas. Tout comme un joueur d'échec, il avance ses pions savamment et je ne vois rien venir quand les miens tombent un à un. Le manager continue :

- Nous avons donc déterminé une nouvelle organisation te concernant pour simplifier notre engagement. Dorénavant, tu passeras les matinées chez eux pour les briefs et les rendez-vous éventuels et les après-midi ici à travailler à ton poste comme d'habitude. Ce compromis nous a été suggéré par Thomas et il a été validé par les patrons. Tes missions en cours sont déjà presque terminées, tu pourras donc fonctionner ainsi à partir de la semaine prochaine.

Je ne trouve rien à répondre, tout est déjà établit et prévu. Je mesure petit à petit l'ampleur de l'annonce : je vais devoir le côtoyer tous les jours.

En toute logique, je devrais être en colère ou avoir peur, je devrais me rebiffer, chercher une alternative pour me défiler alors pourquoi ce que je ressens semble si confus ?

***

Je dois reconnaître qu'il travaille vraiment bien et que ce qu'il rend est de très bonne qualité. Je l'imaginais immature mais il se montre attentif, bosseur et sérieux dans son travail. Ses compétences vont devenir un réel atout supplémentaire pour notre société.

Il se révèle plus intéressant et complexe que je ne le pensais. Je ne suis pas sûr d'avoir complètement passé l'éponge mais j'avoue qu'il m'intrigue. 

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