La Silhouette

Souvenirs douloureux

Salia et Aarius se regardaient, sans dire un mot. La première, immobilisée par le jeune homme, ne savait plus quoi faire. Elle devait prévenir sa famille mais ne voulait pas faire de tort à son ami.

Le deuxième, lui, luttait contre sa conscience pour retenir la fille. Il ne voulait pas qu'elle soit mêlée aux évènements à venir. S'il fallait, pour cela, qu'il la retienne ici, il le ferait. Même si cela lui déchirait le cœur d'avoir à la séparer ainsi de sa famille...

Soudain, alors que le jour se levait et que les couleurs de l'aube s'affichaient dans le ciel, une cloche retentit au loin. Les deux jeunes tendirent une oreille attentive et comprirent bien vite que la cloche d'alarme du village sonnait.

Aarius s'affola alors. Cela n'était pas censé se passer ainsi ! Zeika devait neutraliser le Général Jacriph rapidement et silencieusement, pas alerter tout le village ! Sauf si un imprévu s'était produit...

Salia, elle, s'inquiéta tout de suite pour ses proches. Cette cloche ne sonnait que lors des incendies. Cela ne voulait dire qu'une seule chose... Il y avait le feu ! Elle tira sur ses poignets pour s'échapper, voulant retourner au village le plus vite possible.

Au lieu de la lâcher, l'Alfide l'entraîna vers la sortie de la clairière, voulant en savoir plus, puis vers les sentiers de campagne. Une fois dessus, ils se mirent tous deux à courir, l'un tenant toujours le poignet gauche de l'autre. La jeune fille tenta de protester mais il la coupa, pour ne pas perdre de temps.

Après une course de quelques dizaines de minutes, ils arrivèrent en vue du village. Sous le choc, les deux jeunes durent s'arrêter. Au Nord, où se trouvait le manoir des De Dakos, la famille de Salia, deux bâtiments étaient en feu.

Après quelques secondes, ils reconnurent la réserve et les écuries. Pour l'instant, seule une partie des deux bâtiments était en proie aux flammes mais bientôt, il n'y aurait plus rien. Devant, on voyait des silhouettes s'agiter, essayant d'éteindre l'incendie. Parmi eux, Salia reconnut son père et son frère. Des chevaux couraient un peu partout, apeurés mais libérés à temps.

Les deux amis, devant ce spectacle infernal, s'élancèrent à nouveau en courant pour aider les autres. Plus aucun d'eux ne pensait à la discussion de la clairière, ils se focalisaient sur l'incendie.

Parvenus devant la réserve, ils comprirent qu'il n'y avait plus rien à faire, ce qui pouvait être sauvé l'était, le reste déjà englouti par les flammes. Les écuries, en revanche, abritaient encore quelques chevaux.

Le temps d'arriver devant, à côté de son père et de Lao, les flammes dévoraient presque tout. Dans une vision d'horreur, tous virent à l'intérieur de l'écurie, Mekouros et Kastia essayant de sauver un cheval. Le dernier à l'intérieur. Jacriph, Laocris et Salia hurlèrent à l'unisson. Ensuite, tout se passa très rapidement.

La tante de Salia, Laurine, que personne n'avait vu, se jeta dans les flammes pour aider les deux adolescents. Malgré la douleur, elle continua jusqu'à eux. Ensemble, ils poussèrent le cheval hors du bâtiment, par une trouée dans le feu. Kastia passa ensuite, suivie de Mekouros.

Laurine n'eut pas le temps de les suivre. Une poutre, rongée par le feu, se détacha du plafond et s'effondra sur elle. La malheureuse eu le temps de jeter un dernier regard à son frère et sa famille et le courage de leur sourire une dernière fois avant de rendre l'âme.

Jacriph, devant la mort de sa sœur, hurla et essaya de la sauver, mais trop tard. Le bâtiment s'effondra alors, enfouissant le corps de Laurine sous des tonnes de pierres.

Sonnés, les villageois regardaient la scène, statufiés. Salia fut la première à reprendre ses esprits. Elle se précipita vers sa sœur jumelle et son meilleur ami, suivie de Laocris et d'Aarius. S'agenouillant devant les deux blessés, elle chercha à savoir comment ils allaient. Jacriph rejoignit les adolescents, se tenant un peu en retrait, anéanti. Les autres villageois, eux, terminèrent d'éteindre cet incendie si meurtrier, qui avait déjà tué une personne.

Tous deux étaient couchés sur le sol, mal en point, se tenant la main. Kastia avait les yeux fermés mais respirait encore, malgré les brûlures qui la couvraient. Mekouros, lui, gardait difficilement les yeux ouverts, ayant de plus en plus de mal à respirer. Il souffrait d'asphyxie. Malheureusement, le village ne possédait pas les outils nécessaires pour le soigner.

Le jeune homme leur parla alors, conscient de prononcer ses derniers mots.

- Salia... Je suis désolé. J'aurais dû... J'aurais dû retenir Kastia. Elle... Va mourir ?

- On ne sait pas encore. Mais vous n'avez pas intérêt ! Aucun de vous n'a le droit de mourir, tu m'entends !?

- Ahah... Toujours égale... A toi-même hein ? Faites-moi... Faites-moi une promesse. Je veux que vous restiez... Forts. Ne me pleurez pas. Grandissez. Et devenez de... Bons adultes. Promis ?

Ses trois amis, les larmes dévalant leurs joues, lui firent la promesse. Mais le mourant avait encore un message à délivrer, malgré sa respiration qui tenait de moins en moins.

- Mon... Père. Dites-lui... Que je l'aime. Et que je suis fier... D'être son fils. Et Kastia... Tu m'entends ?

Salia s'apprêtait à répondre à la place de sa jumelle quand celle-ci tourna légèrement sa tête vers son ami et entrouvrit les yeux.

- Mekouros...

- Je voulais... Te l'annoncer... Aujourd'hui. Mais c'est trop tard...

- Dis-le moi quand-même.

- Je t'aime.

Sur ces mots, le fils de Thundarius, l'ami de Salia et l'amour de Kastia rendit son dernier souffle. Ses yeux devinrent vitreux et ses doigts retombèrent, avant d'avoir atteint la joue de la jumelle à terre.

Ainsi s'éteignit Mekouros, deuxième victime d'un incendie meurtrier. A cause de la trahison de deux proches. La trahison d'Aarius et Zeika.

*

Fin de la 3ème partie