Une révélation terrifiante

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Mekouros laisse alors ses deux amis seuls pour aller dire au revoir aux trois autres. Salia et Aarius, abandonnés, se regardent avant d'éclater de rire. Leur ami ne changerait jamais ! La jeune fille essuie ses yeux puis regarde son ami aux cheveux bleus. Celui-ci sourit encore mais ses yeux restent ombrageux, teintés d'une émotion qu'elle n'arrive pas à définir.

Se promettant de lui en demander la cause, elle l'entraîne vers le rocher délaissé plus tôt pour qu'ils s'y assoient. Une fois en place, ils se mettent tout naturellement à échanger sur leurs entraînements respectifs. Après plusieurs minutes de discussion, Aarius trouve enfin le courage d'interrompre la jeune fille pour lui parler.

- Dis, Salia, je dois te parler de quelque chose... Je suis resté pour ça, je ne voulais pas te le dire devant d'autres.


La jeune Alfide, intriguée, le regarde sans dire un mot, un sourcil légèrement levé pour l'inciter à continuer. Le temps que son ami trouve les bons mots, elle en profite pour le dévisager. Le jeune homme est beau, sous les étoiles pâlissantes à l'approche du petit matin.

Ses cheveux bleu marine, lisses, ondulent légèrement sous la brise qui les entourent. Contrairement aux autres membres de la royauté, il les porte courts. Ses yeux, d'un bleu azur, la fixent, à la fois tristes et doux, essayant de lui transmettre les sentiments de leur propriétaire. Le jeune homme lui fait face, assis comme elle en tailleur. Ses muscles bien dessinés sont mis en évidence sous sa tunique. Vraiment, Aarius est beau.


Salia a un petit sourire en coin, contente que son ami soit devenu aussi craquant. C'est sûr qu'il trouvera un bon parti, avec son physique. Reste plus qu'à trouver une fille qui le supportera. Bien qu'il ne soit pas méchant, le jeune homme reste quelqu'un de très renfermé.

Il en faut beaucoup pour le faire sortir de sa carapace et encore plus pour se confier. Seuls ses plus proches amis, les jumelles et Mekouros, arrivent à le faire parler. Voilà en partie pourquoi il met si longtemps à s'exprimer.


Enfin, il se lance et lui explique ce qui le tracasse.

- Je sais que ça va te prendre au dépourvu et que tu vas avoir du mal à comprendre... Peut-être même que tu vas vouloir t'enfuir en entendant cela, telle que je te connais... Mais s'il te plaît, essaie de faire l'effort de m'écouter. J'ai vraiment besoin de te le dire et de connaître ta réaction.

- Eh bien, cet avertissement n'est pas fait pour me rassurer mais ne t'inquiète pas, je ne suis pas quelqu'un qui s'enfuit à la moindre difficulté. Je t'écouterai et te dirai ce que j'en pense, promis. Tu peux donc parler sans crainte.

- Bon. Voilà qui me rassure un peu. C'est vraiment pas facile à dire... Depuis longtemps, depuis qu'on se connaît en fait, j'ai beaucoup d'admiration pour toi. J'ai toujours pensé que tu étais la plus forte de nous six, même si tu ne le montres pas. Je t'apprécie énormément et je pense que tu serais d'une grande aide en cas de conflit.

- Où veux-tu en venir ? J'avoue que je ne comprends pas vraiment...

- Ce que j'essaie de te dire, c'est que je serai vraiment heureux de t'avoir à mes côtés.

- A tes côtés ? Comment ça ? Qu'essaies-tu de me dire, Aarius ?

- J'ai... Enfin le Prince... Euh, comment dire...

- Aarius ?

- Le Prince a décidé de faire un coup d'état. Et je le soutiens.

- PARDON !!!?

- Le Roi des Alfides est beaucoup trop vieux et se laisse manipuler trop aisément. Il faut mettre un terme à son règne. Ne t'inquiète pas, on n'a pas prévu de le tuer, après tout, c'est son père, mais il faut qu'il cède le trône.

- Mais enfin, êtes-vous devenus fous !? Comment pouvez-vous seulement penser à cela !


Salia se lève, trop étonnée et choquée pour arriver à dire autre chose. Elle regarde son ami, incapable de le croire. Il devait blaguer, c'était impossible autrement ! Soudain, un autre paramètre lui traverse l'esprit.

- Mon père ! Les Généraux ! Ils ne vous laisseront jamais faire !

- A vrai dire, on y a pensé. Le Prince a envoyé un émissaire chez chaque Généraux, pour les entraver et les empêcher d'agir.

- Chez mon père aussi ? Qui ? Comment as-tu pu laisser faire ! Comment ?

- Ne t'énerve pas s'il te plaît. Je ne veux pas avoir à te maîtriser toi aussi...

Les deux Alfides étaient debout, l'une affolée et l'autre tentant de la calmer. Salia esquissa un geste dans le but de partir mais Aarius la retint par les poignets, l'en empêchant.


Ils étaient loin de la capitale, séjournant dans la maison de campagne de la famille, tous en vacances. Quand elle avait quitté la maison, sa sœur et son frère dormaient dans leurs chambres et son père lisait dans la sienne. Sa mère ayant rendu l'âme depuis bientôt dix ans, c'était sa tante qui s'occupait de Laocris; elle aussi dormait. Les quelques domestiques, eux, étaient couchés depuis longtemps. S'il se passait quelque chose, ils seraient trop loin pour aider le Roi. Les autres Généraux devraient se débrouiller sans eux.

- Comment peux-tu me faire une chose pareille ! Et Mekouros ? Zeika ? Ils sont au courant ?

- Zeika est de mon côté, c'est elle qui est sensée maîtriser ton père. Quant à Mekouros, j'ai essayé de le convaincre mais il vous est resté fidèle. J'ai du lui faire oublier la discussion, tout comme à Kastia. Tu es la seule à qui je ne ferais rien. Tu m'es trop précieuse...

- Pourquoi ? Qu'est-ce que cela te rapporte ? Je ne comprends pas !

- Cela n'est pas pour moi mais pour le peuple. On ne peut plus se permettre de garder un Roi aussi faible !


La jeune fille pleurait à présent, accablée par la détermination de celui qu'elle considérait comme son ami. Ainsi, Zeika les avait aussi trahis. Comment Aarius avait-il pu penser que des enfants de Généraux approuveraient son plan ? Et pourquoi pensait-il tout cela du Roi ? Celui-ci était pourtant en bonne santé ! Non, décidément, elle ne comprenait pas.

Soudain, elle remarqua un éclat rouge dans les yeux de son semblable... Un éclat rouge qu'elle ne lui avait jamais vu avant. Sans avoir le temps de s'y attarder, il disparut. Elle dû vite penser à autre chose, tellement le jeune homme serrait ses poignets. Elle comprendrait plus tard, bien plus tard, que ça avait été la peur de la perdre qui avait poussé Aarius à agir ainsi. Seulement, ses actes avaient coûté la vie de deux amis...

*

La SilhouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant