Un village attentionné

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Quand les premiers Alfides arrivèrent près des quatre voyageurs, ils se rendirent compte de leur importance et de leur état. Tout fut donc mis en place pour les aider à amener Thundarius, de plus en plus souffrant, au village. Ainsi, Salia et ses compagnons furent escortés jusque dans l'infirmerie où Thundarius fut rapidement pris en charge. Jacriph et Laocris s'assirent alors, ressentant enfin l'épuisement. Salia, elle, remercia leurs hôtes et demanda à voir le responsable des lieux. Comme il n'était pas là en journée, elle ne pourrait lui parler que le soir venu.

Laocris, affalé sur son siège, n'en pouvait plus tandis que Jacriph savourait la sécurité de la situation. Thundarius, lui, avait été amené dans l'une des trois salles d'opérations que comprenait le bâtiment. Un médecin et un infirmier s'occupaient de lui. Salia avait bien vu la grimace d'horreur que les deux adultes avaient fait en découvrant la plaie sous le bandage sommaire. Il était certain que les deux membres du corps médical s'étonnaient de la résistance du De Stanos. Mais, après tout, il était le Général de la Maîtrise des Objets Lourds. Il avait déjà plus d'endurance qu'un Alfide normal.


Elle était à présent soulagée, sachant l'ami de leur père en sureté. Quant à son frère, il avait l'air épuisé, ce qu'il lui confirma. Là, tout de suite, Laocris ne voulait plus qu'une seule chose. Dormir. En plus de la nuit blanche et de la matinée passée à marcher, il avait travaillé toute la journée précédente à mettre le plan en route. Et de tous les membres de l'escouade, Salia y compris, il avait été celui qui s'était le plus déplacé en deux jours. Alors, même si son père l'avait forcé à travailler sa solidité, il ne pouvait pas non plus trop forcer.

Salia pris les devants en demandant à ce qu'on les amène à une chambre d'hôte. Il y en avait dans tous les villages Alfides et elles servaient à accueillir des voyageurs Alfides blessés ou mal en point. Une jeune fille leur demanda de la suivre et elle emmena les trois De Dakos près du centre du village, à côté de la mairie. Ce village n'étant placé sous la protection d'aucun noble, c'étaient les habitants qui élisaient un maire tous les quatre ans. Ils entrèrent dans un bâtiment bien entretenu, plutôt grand. L'auberge du hameau était typiquement Alfide et, cette fois, pas besoin de se déguiser pour y dormir. L'aubergiste leur servit un copieux repas, avec une multitude d'aliments, leur permettant de retrouver des forces. On les mena ensuite à trois chambres, une pour chacun. Une fois dans la sienne, Salia s'étira et respira l'air avec contentement. Cette pièce était tellement mieux aménagée que la chambre de l'auberge humaine !


Elle s'assit sur le rebord en pierre servant d'appui de fenêtre et pris un moment pour simplement admirer la vue. De sa fenêtre, elle pouvait voir les maisons de Tandero descendre en pente douce, du centre de l'agglomération jusqu'aux champs. Après ceux-ci, les arbres reprenaient leurs droits. Contrairement à la forêt des Sylvestres, ce bois ci était accueillant et apaisant. Les villageois vaquaient à leurs occupations, tranquilles. Certains s'occupaient des champs, d'autre des animaux, d'autres encore arrosaient les fleurs des espaces publiques ou réparaient les éventuels trous.

Au royaume de Nox, l'argent n'existait pas vraiment. Pour commercer avec les autres pays féeriques et surnaturels usant de monnaie, le pays avait une réserve d'argent, que gardait la famille royale. Mais dans le pays même, on utilisait l'échange de services. Ainsi, dans les villages comme celui-ci, les villageois étaient tous responsables les uns des autres. Si une personne était trop vieille pour aider, elle surveillait les enfants. Si une autre était blessée, on l'aidait le temps qu'elle se remette et elle remboursait en allant aider à son tour. Cette façon de vivre était beaucoup plus simple et plus harmonieuse que celle que les humains avaient choisie. Et cela leur épargnait beaucoup de soucis.


Salia sourit doucement en savourant ce moment de douceur. Après des mois à stresser, à se préparer, à envisager le pire, elle pouvait enfin se laisser aller. Elle savoura encore un peu la caresse du soleil sur son visage puis se redressa. Une autre particularité des auberges Alfides, c'était le matériel fourni. Chez les humains, on avait des espaces communs pour les douches et les repas. Seules les chambres étaient individuelles. Les savons l'eau et les essuies étaient fournis par l'auberge mais il fallait payer un supplément pour en avoir. Ici, en Nox, non seulement les douches faisaient parties des chambres mais les essuies, les savons et l'eau étaient gratuits. Et summum du confort, des vêtements d'intérieurs étaient prêtés aux voyageurs le temps qu'ils resteraient. La chambre, elle, contenait un lit, une armoire, un bureau et une chaise ainsi qu'un coffre, dans lequel les vêtements et draps étaient rangés. Quelques autres services appréciables étaient mis à disposition des clients.

Ainsi, après une douche rafraîchissante, elle enfila une tunique composée d'un haut et d'une jupe, à nouer avec des rubans. Elle mit ses vêtements sales dans un bac et les amena à la laverie, où un jeune homme les récupéra et les mit à laver. Salia remonta ensuite pour aller voir comment se portaient son frère et son père. Elle toqua d'abord chez Laocris, qui grommela vaguement qu'il dormait. Elle alla ensuite chez son père, qui lui ouvrit la porte assez rapidement. Lui aussi s'était changé et portait une tunique pareille à celle de la jeune femme, la seule différence étant le pantalon. Il la fit rentrer avec un sourire heureux et la prit dans ses bras.


Après un long câlin, le père et la fille s'assirent sur le lit pour discuter. Ils échangèrent des nouvelles concernant les derniers évènements, ce qu'ils s'était passé en Nox après la capture de Jacriph, comment ses enfants avaient pu le récupérer... Tous deux étaient vraiment contents de pouvoir à nouveau se parler. Quelques heures plus tard, on toqua à la porte. Laocris venait de se réveiller et venait participer à la conversation. Après avoir parlé de choses et d'autres, rigolé et s'être fait des câlins, les trois Alfides sortirent de la chambre. Ils descendirent et prirent un repas plus léger, composé d'eau, de racines, de baies, de pain et de fromage.


Enfin, après s'être détendus et reposés, ils retournèrent à l'infirmerie, voulant des nouvelles de leur compagnon de route. Il était à présent près de dix-sept heures et les habitants de Tandero commençaient doucement à rentrer dans le village pour préparer le repas et la soirée. Chaque Alfide qu'ils croisèrent les saluèrent respectueusement et ils en firent de même. Après plusieurs minutes de marche, le trio arriva en vue de l'infirmerie. Une soignante les fit rentrer et les fit patienter devant un comptoir, le temps de vérifier les informations sur le patient Thundarius De Stanos.


Ensuite, elle les guida jusqu'au troisième étage, là où se trouvaient les chambres. Elle les fit entrer dans celle de Thundarius avec des consignes strictes – ne pas le fatiguer, ne pas rester trop longtemps, éviter de trop le toucher...- et ils purent enfin prendre connaissance de son état. Leur ami et compagnon était à moitié assis dans son lit, regardant par la fenêtre. Quand ils entrèrent, il s'en détourna et leur sourit chaleureusement.

- Vous voilà enfin. J'ai de bonnes et mauvaises nouvelles à vous annoncer. Par quoi je commence ?

La SilhouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant