Sauvetage inopiné

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Salia aurait bien voulu s'arrêter, pour réfléchir à l'idée qui venait de germer dans son esprit. Mais elle ne le put pas, pour une simple et bonne raison : ils étaient poursuivis.

Au moment où la jeune femme avait eu son illumination, comme un éclair de génie, les quatre voyageurs égarés avaient entendu un bruit. D'abord doux et lointain, comme un roulement de tonnerre à des kilomètres de là, il s'était peu à peu amplifié, devenant un fracas atroce pour leur ouïes sensibles. Ce bruit avait progressé rapidement en très peu de temps. Ainsi, ils n'avaient réagi que tardivement. Le premier à comprendre et à agir fut Laocris, comme souvent à présent.

Il avait hurlé que quelque chose les chargeait et avait attrapé sa sœur (encore perdue dans ses pensées à ce moment-là) pour ensuite fuir, droit devant lui. Les deux Généraux, bien que plus âgés n'avaient pas été en reste et l'avaient suivi, essayant de maintenir la cadence. Un rugissement avait aidé Salia à sortir de sa torpeur et maintenant, ils couraient tous les quatre à l'aveuglette, poursuivis par quelque chose de non-identifié.

Ironiquement, bien que cette chose qui les pourchassait s'était rapprochée extrêmement vite, à présent que ses proies couraient elles-aussi, elle semblait rester à distance, juste hors de vue. Etrange... Tout en courant, Salia jeta un coup d'œil au-dessus de son épaule. Serait-ce un piège ? Elle voyait les plantes s'agiter derrière, peut-être bousculées par la chose... Et elle comprit.

Ils étaient orientés dans une certaine direction. Ils pensaient courir à l'aveugle, mais les cris de leur poursuivant leur indiquaient en fait un chemin à suivre. La seule chose encore à savoir, c'était si ce chemin les sauverait ou les mènerait à leur perte. Pour le savoir, elle décida de faire quelque chose de complètement fou.

Elle lâcha la main de son frère qui la regarda, interloqué. Et elle s'arrêta. Devant les regards des trois autres, qui l'avaient dépassée et ralentissaient à présent, cherchant à la rejoindre, elle se retourna vers leur suiveur. Non sans leur avoir fait signe d'aller se réfugier un peu plus loin. Elle sortit sa hache de la lanière de son sac, où elle l'avait calée et se positionna, attendant le choc.

La chose qui les poursuivait rugit encore une fois, bien plus fort, comme pour la dissuader de faire cela. Mais Salia l'ignora, grimaçant seulement un peu devant l'intensité du son. Elle voyait les plantes s'incliner à toute vitesse vers elle, signe que ce qui les chassait arrivait. Elle s'était par bonheur arrêtée dans un endroit un peu à découvert, avec moins de plantes. Serrant les dents, elle se prépara au choc, avec un peu – beaucoup en fait - d'appréhension.

Mais ce qui déboula soudain des broussailles à toute vitesse, fonçant sur elle, la surprit bien plus que ce qu'elle pensait voir. Elle se rendit compte de deux choses, simultanément. Premièrement, cette chose, enfin, ce Sylvain, puisque c'en était un, était loin d'être hostile. C'était même plutôt le contraire. Et deuxièmement, il avait pris tellement de vitesse qu'il n'arriverait pas à s'arrêter à temps. Et elle ne pourrait pas se mettre hors de son chemin non plus.

Les deux féeriques l'avaient compris et, se regardant brièvement, les deux se préparèrent au choc. Une sorte de boulet de canon percuta violemment Salia, l'envoyant valser à quelques mètres, tandis que lui terminait sa course folle dans un arbre. On aurait pu croire que, vu la vitesse du Sylvain, il aurait déraciné le pauvre arbre – enfin, pauvre, tout est relatif, après tout, dans cette forêt, tout était dangereux – mais ce dernier encaissa très bien le choc et resta debout. Peut-être parce que c'était justement un protecteur de la forêt qui l'avait percuté, et personne d'autre...

Quoi qu'il en soit, après un petit moment de silence, où chacun se remettait du choc assez violent, tout se remit en mouvement. Lao, Jacriph et Thundarius, horrifiés, se précipitèrent vers Salia, inquiets. Ils avaient pu se retirer assez loin pour ne pas être pris dans la collision mais la violence de la rencontre les avait effrayés.

La SilhouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant