Je porte un pantalon en lin noir avec une chemise noire, des bottines à talons noires également et pour finir j'ai relevé mes cheveux en une queue de cheval. Je reste debout devant le miroir pendant encore quelques secondes à me demander si je vais réussir à traverser cette journée.
Je tourne la tête vers le dossier posé sur mon bureau, c'est un genre de copie du dossier qu'ils vont exposer aujourd'hui lors de l'audience. Mais surtout il contient toutes mes lettres. Je me souviens encore du jour où le policier m'a demandé pourquoi j'avais écris. J'avais cité du Maupassant pour lui expliquer.
« Car c'est par l'écriture toujours qu'on pénètre le mieux les gens. La parole éblouit et trompe, parce qu'elle est mimée par le visage, parce qu'on la voit sortir des lèvres, et que les lèvres plaisent et que les yeux séduisent. Mais les mots noirs sur le papier blanc, c'est l'âme toute nue. »
Je ne savais pas comment expliquer autrement la raison de ces lettres, à part le fait que j'étais arrivé à un stade où je ne tenais plus, je ne savais plus faire autrement. Mentir était devenu un tel calvaire que j'aurais préféré revivre ce moment encore que de devoir mentir une fois de plus aux personnes que j'aime.
J'attrape finalement le dossier et rejoins mon père en bas. Il porte un costume simple noir et me fixe comme si j'allais m'effondrer à tout moment.
- Tu vas bien ?
- Je crois... J'ai peur.
- C'est normal, je serais prêt de toi.
Je m'avance, me serre contre son torse et laisse ses bras m'entourer. Ça me rassure, surtout aujourd'hui.
- On y va ?
Je hoche la tête et on se met à sortir de la maison, dehors la pluie fracasse le macadam. C'est ironique, le jour où ma vie va peut-être enfin prendre une meilleure tournure la météo semble à l'opposé.
Durant le trajet jusqu'au tribunal je regarde les goutes de pluies qui glissent le long des vitres, certaines font la courses pendant que d'autres préfères stagner. Mais qui va gagner ? Qui va gagner cette course sans fin ? Au final il n'y a aucun gagnant, on finit tous par disparaître un jour ou l'autre, alors pourquoi vouloir être plus rapide ?
Pour la première fois depuis longtemps la douleur a quitté mon corps, malheureusement elle a été remplacé par une horrible boule de stress qui me retourne l'estomac. A tel point que je pourrais être malade si j'avais quelque chose dans le ventre.
La voiture de mon père se gare devant le tribunal où quelques journalistes attendent patiemment des infos croustillantes. Je voudrais me terrer dix mètres sous terre juste pour leurs éviter. Ils ont déjà essayé d'avoir des petites informations par-ci ou par-là mais sa n'a jamais rien donné. Je me demande s'ils se rendent compte à quel point c'est déplacé et que sa peut nous mettre très mal ?
Je sors de la voiture et avec mon père nous entrons le plus rapidement possible dans le tribunal, immédiatement ces grandes portes passées que je me sens une nouvelle fois mal. La douleur revient plus vite et plus fort.
L'univers du tribunal est froid et glacial, j'ai cet impression constante que je vais m'effondrée au sol d'un instant à l'autre. Je me sens légèrement tremblante, à telle point que je sens la main de mon père attraper la mienne.
- Regarde moi, Davina.
- Papa... Je... Je peux pas...
Je vois les pieds de mon père dans ses belles chaussures s'arrêter juste devant moi, sa main remonte mon visage pour m'obliger à le fixer. Il est ridé et je vois à ses traits qu'il est inquiet pour moi. Sa me fait un peu plus à chaque fois que je vois la douleur que je cause au gens qui m'entourent. Comment est-ce que je peux me sentir mal pour une chose que je n'ai même pas choisi ?
- Papa, a chaque fois que je revois le visage de cet homme dans mon sommeil ou même juste constamment je suis un peu plus mal. Mais le voir en vrai, je sais pas si je peux.
- Tu es forte ma puce, tu es comme ta mère. Je te promet de ne jamais t'abandonner. Je serais là, près de toi tout le long.
Je ne sais pas quoi répondre et sincèrement je n'en ai même plus la force. La seule chose que je trouve a faire c'est de laisser mes larmes couler et de passer les bras autour du corps de mon père. Il resserre son étreinte un peu plus fort et au fur et à mesure je me détend un peu plus.
- Il faut y aller.
Je hoche la tête et me sépare de lui, on se remet en direction de l'entrée de la salle où l'audience va avoir lieux, avec un peu de chance tout sera finit rapidement.
Arrivé au bout d'un couloir on se retrouve devant maître Valdgner, l'avocat que mon père a choisit. Le meilleur dans ce domaine si l'on en croit son palmarès.
- Mademoiselle Davina Laurens. Monsieur Laurens.
- Bonjour.
- Vous êtes prête ?
Je relève les yeux vers l'homme grisonnant devant moi, il a l'air compatissant dans son costume strict. J'inspire un grand coup et hoche la tête. Après tout, l'enfer de rester dans cette salle avec cet homme ne pourra jamais être pire que tout ce que j'ai vécu ces six derniers mois, non ?
Albert Camus a écrit un jour que des fois il faut plus de courage pour vivre que pour de tuer. Il avait tord. C'est dur de vivre avec une douleur lancinante constamment dans la poitrine, c'est même fatiguant. Alors que pour se tuer il faut bien plus de courage, il faut plus de courage pour tout abandonné en sachant tout ce qu'on laisse derrière nous.
On pénètre dans la grande pièce et le calme qui m'avait envahie pendant quelques secondes est aussitôt remplacé par une appréhension. Mon avocat m'emmène juste devant une grande estrade et nous installons à la table de gauche.
- J'espère que vous vous rappeler du déroulement du procès ? Il est trop tard pour faire demi-tour maintenant.
- Oui, je sais. J'ai juste, peur je crois.
- C'est normal, mais faites ce qui est convenu et tout ce passera bien.
Je hoche la tête puis tout la salle se lève, moi également quand le juge et les jurés font leurs entrées. Cette fois c'est réel, plus que jamais et je sais qu'il va entrer dans cet pièce d'une seconde à l'autre et je suis pétrifié.
Non ! C'est fini d'être faible. C'est fini d'avoir peur, je ne veux plus avoir peur. Je veux redevenir Davina Laurens, celle qui respirait la joie de vivre et qui avait un milliard de projet pour son futur. Je ne serais plus jamais cette fille qui a peur de sortir de sa chambre ou alors qui ose à peine regarder son père dans les yeux.
Non, c'est officiellement finit.
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Cher papa //TERMINE//
Mystery / ThrillerCher papa... Comment aurais-tu pu savoir ? Comment aurais-tu pu imaginer ? Comment aurais-tu pu me sauver ? ... Tant de questions sans réponses... Alors je te mens encore et encore. Je te mens parce que si tu venais à découvrir la vérité sur ce qu...