Lettre 6

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Cher papa...

Tu as déjà eu l'impression que tout n'était que suspense ? Au fond, on pense que tout est prévu que tout est déjà écris, mais est-ce que c'est la vérité ? Non. On ne peux pas savoir ce que demain nous réserve, on peut vivre la plus belle journée de notre vie, comme se retrouver piéger dans le pire des cauchemars.

J'avais une chance sur deux... dommage pour moi le numéro tiré au sort était celui du cauchemar. Peut-être qu'un jour la douleur disparaît, peut-être qu'un jour elle s'atténue... J'en sais rien. Mais je veux la faire disparaître.

La faire disparaître pour de bon...

Mercredi 6 août.

Trois jours. Sa fait exactement trois jours que je suis rentré à la maison et sa fait aussi trois jours que je mens à tout le monde. Mon père pense que j'ai une grippe ou quelque chose dans le genre, tout comme Freya en fin de compte. Et moi... et bien j'aurais cent fois préféré avoir une grippe.

Allonger dans mon lit, je regarde le plafond encore et encore... il y a exactement 36 plaques. J'ai essayé de manger ce que papa m'a apporter mais soit je n'y arrive pas, soit sa ne reste pas bien longtemps dans mon corps.

Je finis par me lever et rejoins ma salle de bain, je m'arrête devant le miroir. La fille que je vois chaque jour depuis cette soirée, ce n'est pas moi. Enfin si, c'est moi, mais je suis différente. Avant on pouvait voir la joie juste en regardant mes yeux, maintenant la seule chose que je suis capable de voir c'est du vide.

Je suis vide, et je ne sais pas comment changer ça. Ma peau qui a toujours légèrement hâlée est maintenant pâle, les yeux n'ont jamais été aussi peu émotifs et les lèvres ont perdues leurs teintes rosées. Oui, je ne suis plus là même qu'il y a un peu moins d'une semaine.

Y faut lutter, je peux lutter je suis bien plus forte que ça. Je vais sortir, sourire et dire « oui, je vais bien » même si je n'en penserais pas un seul mots.

J'ouvre un tiroir sous mon lavabo et m'applique un peu de blush ainsi qu'un baume à lèvres légèrement coloré. Ouais, sa devrais faire l'affaire. J'essaie tant bien que mal de sourire à mon reflet, il me parait constamment triste.

« Les clowns sont tristes, c'est les spectateurs qui rient d'eux. » Cette phrase d'Harper Lee prend tout son sens. Les clowns masquent leurs tristesses avec ce maquillage qui fait rire les personnes autour, mais on ne voit pas ce qu'ils y a derrière.

Je dois devenir un clown, enfin en quelque sorte. Ce blush sur les joues et ce rosé sur mes lèvres ne sont qu'un masque qui vont peut-être me permettre de ne pas inquiéter papa.

Je me change et finis par descendre. J'ai toujours aimé ma petite maison, elle est plutôt banale et modeste comparé à d'autres mais je l'ai toujours trouvé chaleureuse. Je revois toutes les fois où on rigolait à en pleurer avec maman et papa, sa me semble être à des années lumières maintenant.

- Tu te sens mieux ?

Je tourne la tête d'un coup vers la voix grave de mon père. Son air inquiet n'a toujours pas déserté son visage...

- Oui. Tu faisais quelque chose ?

- Un article me donne un peu de fil à retordre.

- Il parle de quoi ?

Je suis mon père jusqu'à son ordinateur en attendant qu'il tourne l'écran vers moi comme sa lui arrive quand il n'a aucune inspiration. Peut-être que sa m'aidera à me changer un peu les idées.

Je lis les quelques éléments que je vois et mon cœur se serre.

« Une jeune fille retrouvée morte suite à une agression sexuelle. »

- Davina ? Ça va ? Tu m'as l'air bizarre.

- Non... c'est juste que... rien. T'as raison j'ai la tête qui tourne un peu.

- Retourne au chaud, ma puce.

Je souris faiblement à mon père et retourne aussi vite que possible dans ma chambre. Je cours littéralement jusqu'à la salle de bain et me penche au-dessus des toilettes pour vomir tout ce que je peux.

Quand mon estomac a enfin décidé que j'en avait assez bavé, je tire la chasse d'eau et reste assise sur le carrelage froid de la pièce. Sans même m'en rendre compte mes larmes coulent en silence sur mes joues. Comment est-ce que je vais bien pouvoir faire semblant ? Comment je vais pouvoir faire croire que tout va bien alors que rien ne va ? Rien ne va plus...

Je voudrais hurler et tout casser, je voudrais... je voudrais... Je ne sais pas ce que je voudrais en réalité.

Comme par automatisme en me relevant je donne un gros coup dans une boîte qui était sur l'évier. Elle éclate sur le sol et son contenu se déverse... Bien vu Davina... Maintenant tu as du ménage en plus. Si je n'étais pas aussi dévasté intérieurement je pourrais presque rire face aux conneries que mon cerveau sort.

Je me baisse et commence à tout ramasser jusqu'au moment où j'ai mon rasoir entre les mains. Accroupie sur le sol je le détaille pendant presque une éternité avant de finalement me laisser tomber une deuxième fois.

Je n'y avais jamais pensé avant, sa ne m'avait absolument pas traversé l'esprit et pourtant dieu sait à quel point la souffrance et moi on ce connaît. Mais actuellement je me demande si l'expression traité le mal par le mal ne prendrait pas tout son sens... Quand je suis face à Freya et à mon père, la douleur de mes ongles pénétrant ma chair m'aide à garder le contrôle. La douleur soigne une autre douleur en quelque sorte.

Je le pose sur le meuble, retire mon sweat pour me retrouver en débardeur noir. Avec avoir réussi avec une pince à épiler à dévisser les lames, j'en garde une en main et ferme les yeux le temps de faire le point mentalement.

Est-ce que c'est vraiment la solution ? Est-ce que sa peut réellement m'aider ? Est-ce que je vais regretter ?

Ho et puis merde !

Cher papa //TERMINE// Où les histoires vivent. Découvrez maintenant