Chapitre 4 : Destin

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Keane – Somewhere Only We Know

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Sur ce pont, Matthew avait suivi Neil des yeux, sûr qu'il le voyait pour la dernière fois. Une belle erreur. Le lendemain, il avait à peine mis un pied dans l'agence que plusieurs responsables, dont son producteur, lui tombaient dessus.

– Matthew ! s'exclama Winston. Créer un scandale ? Dans un vieux fast-food par-dessus le marché ? Tu es au courant que des photos circulent ? Que des articles vous mentionnent, toi et le violoniste ? Nous avions réussi à faire passer votre rencontre pour une anecdote qui ne valait pas la peine d'être mentionnée et il t'a fallu une soirée pour tout ruiner. Maintenant tous sont convaincus que vous vous connaissiez. Son image va être associée à la tienne. Et toi, tu te permets d'aller traîner dans des lieux pareil... Tu es riche, tu es distingué, tu es occupé, tu n'es pas comme ce ramassis de...

Winston l'avait saisi par le col de sa grosse veste avant de se rappeler ses collègues qui les entouraient. Il le relâcha en grinçant des dents.

– Dernière chance. Nous avons contacté un plateau télévision, vous y passerez tous les deux en interview, dit le directeur de l'agence. Demain dans l'après-midi. Nous avons déjà tout préparé : tu le connaissais depuis longtemps et quand tu l'as revu pour la première fois il y a quelques jours, il t'a mis la pression, t'a fait du chantage. Tu ne voulais pas en parler pour n'inquiéter personne, c'est pourquoi tu es allé le voir à son travail, seul, d'où ta présence dans ce fast-food miteux. Mais il est violent est instable et il s'est emporté. Ça nous débarrassera de tous les problèmes d'un coup. Le violoniste, ton attitude envers tes fans et le fast-food.

– Il n'acceptera pas, répondit Matthew, las.

– Il a déjà accepté.

Il y eut un silence.

– Et il est au courant que vous voulez le faire passer pour un type détestable ?

– Non, il niera et sa réaction semblera toute naturelle, ça renforcera l'indignation du public. Personne ne doutera de toi, tes fans te soutiendront. Avec un peu de chance, tu pourrais même augmenter ta popularité du même coup. Tu nous remercieras.

– Vous brisez sa carrière avant même qu'il ait eu la moindre chance de...

– Nous n'aurions pas eu à faire ça si tu t'étais contenté d'obéir ! le coupa Winston en lui tendant plusieurs photos découpées dans des magasines.

Les premières avaient clairement été prises par des portables ; on le voyait debout, à demi caché par le patron qui criait sur Neil, face à ses fans, l'air désorienté, et enfin tiré dehors par Neil qui tenait son poignet. La quatrième image était floue ; il était sur le pont et tendait sa bouteille d'eau à Neil.

Winston tendit la main pour reprendre les clichés et Matthew fit un pas en arrière par réflexe. Les photos lui furent arrachées, mais les portes coulissantes derrière lui s'étaient ouvertes.

– Je sors, déclara-t-il.

Avant que qui que ce soit ait pu l'en empêcher, il quitta le grand bâtiment. Dans la rue, il se mêla à la foule pressée de la capitale et se perdit entre les ruelles et les grandes places, l'esprit saturé.

Détruire la carrière du violoniste ou laisser couler la sienne ? Une voix désagréable lui souffla que contrairement à lui, Neil n'avait pas de carrière. S'il refusait, il perdrait tout. Il tourna ses paumes vers son visage. Ses mains, qu'est-ce qu'elles étaient capables d'accomplir ? À part chanter, qu'est-ce qu'il savait faire ? Rien. Winston s'en était assuré.

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