Chapitre 8 : Une vie normale

777 121 34
                                    

Maroon 5 - Maps

______________ ♪


Le lendemain, Matthew songea qu'il devait chercher un petit boulot. Il se rappela que Neil en cherchait également un et réalisa soudain qu'il n'avait aucun moyen de le contacter. La seule solution était qu'il retourne dans le quartier et cherche son immeuble de mémoire.

Des limousines assurant toujours son transport quand il travaillait pour son agence, il n'avait pas de voiture ni de permis et il se retrouva obligé d'appeler un taxi. Le chauffeur le mena aux abords du quartier mal famé de Neil. Les rues et ruelles étaient toutes noircies par le temps, sales, et il s'en dégageait une odeur désagréable par endroit ; un mélange d'égouts et de rats morts.

Il rajusta le foulard qui cachait à moitié son visage pour se couper un peu de l'air pollué et refit le chemin à l'envers. La veille, l'obscurité régnait, dissipée par-ci par-là par des réverbères, le soleil rendait plus compliqué de s'y retrouver, alors il sortit son portable pour chercher une configuration de rues similaire à celle dans sa mémoire.

Il passa à côté d'un groupe de jeunes sans le calculer. Jusqu'à ce que l'un d'eux se plante devant lui, du moins.

– C'est un bon tel, ça.

Matthew releva le regard. Deux autres gars de sa bande venaient de le rejoindre, le genre de gamins à problèmes. Par réflexe, il rangea son portable dans la poche de son pantalon.

– Tu me le passes ?

Ce n'était pas vraiment une question. Pourtant Matthew avait une réponse.

– Non.

Il tenta de les contourner et sentit une main sur son épaule. Il se dégagea avec plus de force que nécessaire, incapable d'empêcher son rythme cardiaque de s'emballer. Si l'un des trois faisait mine de le toucher encore... il se prendrait son poing dans la gueule.

En s'éloignant, il n'avait pas prévu de sentir son foulard se resserrer autour de son cou, lui coupant le souffle. Il l'agrippa, tentant de le dénouer. Ces abrutis allaient l'étrangler. Quand il réussit à se débarrasser du tissu, il prit une grande bouffée d'air qui lui irrita la gorge et fit volte-face.

– Attend, j'te connais...

– C'est pas... Matthew Eldohn... ?

– Matthew Eldohn ? Qu'est-ce qu'il foutrait là ? répliqua celui qui tenait le foulard bleu nuit.

Matthew tendit la main pour le récupérer, juste avec ses lunettes de soleil, il allait galérer à garder l'anonymat, en supposant que les trois le laissaient partir sans le défigurer. Mais le gars le fixait, la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau et garda le foulard hors de portée.

Tant pis. Il allait repartir quand une main se referma sur son bras pour le retenir.

– NE ME TOUCHE PAS !

Le gars le relâcha par réflexe, visiblement il ne s'attendait pas à se faire hurler dessus.

– Matt' ?

Tous se tournèrent vers la rue adjacente. Neil venait vers eux, un sac de course dans une main. Matthew fronça les sourcils ; c'était la deuxième fois qu'il utilisait ce surnom idiot. Neil passa de lui aux trois autres.

– Vous avez pas saisi ? Foutez le camp si vous voulez pas d'emmerdes.

Il y eut un affrontement silencieux puis les trois gars réinvestirent le seuil de l'immeuble où ils traînaient avant que Matthew passe devant eux avec son portable. Celui-ci resta silencieux, les mains enfoncées dans ses poches.

– C'est la première fois que je te vois t'énerver. Avec tout ce qu'il s'est passé, je commençais à croire que tu étais un robot. Qu'est-ce que tu fais ici d'ailleurs ?

– Je ne savais pas comment te contacter, alors je suis revenu, dit-il en se forçant à retrouver son sang-froid. Je vais prendre ton numéro.

– Quel honneur, ironisa Neil en reprenant le chemin de son appartement.

– Ne me fais pas perdre mon temps.

– Qui te dit que je veux que tu aies mon numéro ? Arrête d'agir comme si tout le monde t'était acquis.

Il y eut un silence et ils entrèrent dans l'immeuble. Neil posa les sacs de courses pour déverrouiller la porte et l'invita à entrer. L'appartement n'était pas plus rangé que la veille et Matthew découvrit un frigo caché derrière l'empilement des objets.

Puis il ramassa une des partitions et fixa les notes sans les voir. Pourquoi il l'avait suivi ? Si ce crétin refusait de lui donner son numéro, il perdait son temps. Il aurait dû anticiper cette réaction, il était sur le déclin à présent. Les choses n'allaient pas rester aussi simples qu'avant.

– Je vais chercher un travail, dit-il enfin en contournant la table pour partir.

– C'est ta façon de me dire que ma remarque t'a déplu ? Si c'est le cas je m'excuse.

– Non, c'est ma façon de te dire « je vais chercher un travail ».

Neil éclata de rire.

– OK, c'est noté.

Matthew allait franchir la porte quand il ajouta ;

– Ah Matt, attends ! J'ai trouvé un nouveau job hier, je peux te donner l'adresse du recrutement, ils cherchent encore, même si je me demande sincèrement comment tu vas faire. Ils ne croiront jamais que toi tu cherches un boulot là-bas.

Matthew haussa les épaules. Peut-être, cependant, ça lui donnerait un avantage certain sur les autres prétendants au poste.

Matthew était devant le magasin que Neil lui avait indiqué, une veste noire cintrée sur le dos et un chapeau pour l'occasion. Il avait dû oublier les lunettes de soleil, le style agent secret aurait plus attiré l'attention qu'autre chose. Tout le trajet, il avait donc fait profil bas. En entrant, il se présenta devant une caissière visiblement débordée.

– Je veux voir le gérant.

– Il est par là-bas, fit-elle en désignant les rayons sans lui accorder un regard. Cherchez près des cartons, il range.

Matthew passa devant les caisses et s'engouffra entre les produits. Il avait fait ce genre de petits boulots lorsque sa carrière était au plus bas et que ses maigres contrats ne lui permettaient pas de vivre. Il se souvenait de la pression et du stress que lui avaient mis les employeurs, mais les choses seraient différentes à présent.

Il trouva le patron dans l'un des rayonnages, occupé à ranger des cartons remplis de conserves.

– Bonjour, je viens pour le poste, dit-il en lui tendant le CV qu'il avait préparé la veille et dans lequel il n'avait oublié aucune de ses expériences d'artiste.

– Je suis occupé là, répondit le gérant d'un ton sec.

– J'ai également peu de temps, dit Matthew, je veux une réponse maintenant ou j'irai voir ailleurs.

L'arrogance de ses paroles eut l'avantage d'intriguer l'homme qui prit le CV, avec un air qui voulait clairement dire : « il y a intérêt que cela en vaille la peine ». Ses yeux s'écarquillèrent et il releva le regard vers Matthew qui restait impassible.

– C'est une plaisanterie ? dit-il d'un ton incertain, comme s'il craignait de le froisser si ce n'était pas le cas.

– Non. Je n'ai pas de temps à perdre. J'ai besoin de ce travail.

Le gérant se releva. Ses mains faisaient trembler le CV.

– Bien sûr, bien sûr... On... on peut voir immédiatement pour le contrat ?

Il parut soulagé lorsque Matthew acquiesça et le suivit dans son bureau. Ils négocièrent et signèrent les termes du contrat puis ils se mirent d'accord sur le jour où il commencerait.

Ou plutôt, Matthew donna une date et le gérant acquiesça, toujours stupéfait.

ShowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant