25 Décembre

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L'air frigorifiant s'infiltre entre mes vêtements, m'arrachant des frissons. Mon écharpe fouette mon visage par instant, la buée sort de ma bouche à chaque foulée et la neige a déjà trempée le bas de mon jean.

Il est minuit dix, la lune illumine la nuit alors que tous les lampadaires sont éteints. Quelques maisons sont encore éclairées et les échos de cette fête familiale ambiance parfois les rues que je traverse.

Vingt minutes pour convaincre mes parents de me laisser sortir.

Vingt minutes pour leur assurer que ce ne serait pas long.

Vingt minutes pour les convaincre que ce qui m'attends est très important.

Vingt minutes de négociation horrible où mon cœur a fait chute sur chute.

J'espère qu'il est encore au parc. C'est la nuit du 25, il doit sûrement fêter noël en famille, comme moi. Je n'ai même pas vérifier s'il avait répondu à mon sms. Peut-être qu'il ne viendra pas. Peut-être qu'il a abandonné ? Je n'ose pas vérifier.

Je réfute ses pensées et court à perdre d'haleine, le froid agressant ma gorge où ma salive prend lentement le goût métallique du sang.

Je bifurque dans les rue, je m'éclaire parfois grâce à la lanterne de mon smartphone, mais je connais le chemin par cœur. Je cours si vite... j'ai peur qu'il soit rentré ou qu'il ne soit jamais venu.

Apercevant la silhouette du square plongé dans le noir, je ralentis le pas et éclaire l'endroit en tâchant de reprendre une respiration calme. Inquiet, je furète partout et me fige lorsque je l'aperçois. Il est assis sur un banc, sous le seul lampadaire encore allumé, son gros saint-bernard à ses pieds. Il a les yeux rivés sur son téléphone.

Il est venu.

Il est vraiment venu.

Je souris bêtement et lâche un rire silencieux. Je m'approche doucement et me plante face à lui, les joues et le bout du nez rougies par le froid.

— Hey...

Il relève la tête et son visage s'éclaire d'un sourire ravis. Malgré tout, j'aperçois une hésitation dans son regard. J'avais oublié ! Je ne lui ai donné aucune indication quant à mes intentions avec ce rendez-vous.

Je m'assois à côté de lui en chassant la neige et fourre mes mains dans les poches de mon manteau, enfouissant mon menton dans le col de ce dernier. Je sens son regard sur moi et je ne peux m'empêcher d'être gêné.

— Pourquoi on est là ? demande-t-il sans une once d'émotion dans la voix.

Prenant mon courage à deux mains, j'inspire et répond :

— Je m'excuse pour la dernière fois. J'étais pas dégoûté ou quoi que ce soit, je regrette pas... c'était juste... surprenant... et agréable...

Ma voix s'éteint sur les derniers mots, trop mal à l'aise pour affronter mes propres propos. Du coin de l'œil, j'aperçois Alex sourire.

— J'ai des lèvres agréables.

Je lève les yeux au ciel et soupire d'agacement même si je suis plus amusé qu'énervé par sa remarque.

— Pourquoi tu m'as ignoré ?

Je pince mes lèvres et tire sur les mèches blondes qui tombent devant mes yeux. Après un moment, je répond rapidement car comme ça j'ai l'impression que je ne pourrais pas être embarrassé plus longtemps :

— C'est juste que j'avais jamais vraiment embrassé de garçon jusqu'ici et que quand t'as mis la langue c'était bizarre ! Mais pas bizarre dégueu, juste bizarre... je suis jamais sortit avec quelqu'un, je sais pas comment on fait et c'est trop embarrassant ! Mais je suis là, non ?

Alex me fixe un instant en silence avant d'éclater de rire. Mon visage déjà bien rose vire au rouge pivoine tandis que je lui assène une tape sur le bras.

— Te moque pas !

— Pffff, rit-il en tentant de se calmer, t'es trop mignon Aïdan.

Je rougis de plus belle et racle ma gorge pour cacher mon malaise.

— Du coup, tu veux bien de moi ?

Je regarde les grand yeux bleus d'Alex et hausse les épaules en répondant :

— Qu'est-ce que je fais là à minuit et demie à ton avis ?

Il lève les yeux au ciel en secouant la tête et réplique :

— Tu peux pas dire les choses simplement ? Oui Alex, je te kiff, devenons un couple gaga qui élèvera des poules dans sa ferme.

— Tu veux des poules ?! je soulève, incrédule.

— Tu retiens que ça ? fait-il, dubitatif.

J'esquisse un sourire amusé tandis qu'il soupire.

— Sors avec moi Aïdan.

— Qu'est-ce que tu crois que je fais, là ?

Il m'observe longuement avant de secouer la tête et d'éclater de rire.

— T'es pas possible.

Lorsqu'il se calme, on se regarde en silence. Mon cœur s'emballe et mes mains deviennent moites. Est-ce qu'il va m'embrasser ? Je devrais peut-être lui demander comment on fait pour rouler une pelle avant ? Il plonge alors la main dans sa poche et en sort une branche de gui qu'il place entre nos deux têtes.

Je fronce les sourcils, perdu quand il explique :

— C'est du gui.

— T'as vraiment pris ce truc avec toi ?!

Quel intérêt ? Il va avoir mal au bras comme ça...

— Ouais, j'avais l'espoir que tu me dises oui. Tu sais ce qu'on fait sous du gui ?

Je rougis encore et préfère rester muet. Il me lance un sourire enjôleur et reprend d'une voix suave.

— On s'embrasse...

— T'es vraiment pathétique comme mec !

Nos regards s'accrochent et lentement nos visages se rapprochent. Ses lèvres chaudes se posent sur les miennes et cette fois-ci, je répond à son baiser.

Je suis peut-être trop réservé sur mes sentiments, je ne lui dirais peut-être jamais « je t'aime » clairement, mais je peux lui prouver que je l'aime par mes actes.

Je presse mes lèvres avec insistantes sur lui et nous nous perdons dans notre bulle, un 25 décembre, plongé dans la nuit noir, seuls sur un banc.

Tome 1 : 24 jours avant NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant