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Joahn déposa son badge sur la surface plane de son bureau. Le front en sueur et la chemise bleu-ciel de son uniforme déboutonnée, encore surpris d'avoir pu franchir la porte du Centre Scientifique. Courir comme un dératé dans tout Cersia afin de se rappliquer à l'heure au boulot n'avait rien de présentable.

— Waouh ! Ça ne s'arrange pas ta tronche !

Joahn esquissa un sourire avant de se tourner vers son collègue de cabine.

Toujours dans un état impeccable Vunes ne négligeait jamais son apparence. Du même gabarit que lui, il dépassait les deux mètres quinze ; cheveux foncés et yeux bruns.

Joahn attendit que Vunes ait scanné son badge à l'entré de la cabine, tout comme lui peu de temps avant, salué Morin d'un signe, une jeune femme travaillant la cabine d'à côté et s'installer au bureau situé en face du sien.

Son lieu de travail était si exigu, qu'il ne pouvait qu'accueillir deux bureaux, d'où le nom "cabine". Mais l'étage en lui-même comportait plus de quatre-vingt cabines.

— Tu as encore fait des conneries cette nuit ?

Joahn rit jaune dans son siège en cuire blanc.

— Tu parles, lui répondit-il en se passant les mains dans sa chevelure dorée se décoiffant davantage.

Il n'avait aucune envie de narrer sa soirée merdique qui en l'occurrence s'avérait être : mater une femme dans les bras d'un autre.

— Je ne comprends pas, tes amis, tu ne les vois plus ?

Outch, touché. Et merde ce petit con savait où mener une conversation pour lui soutirer des informations.

— Si, si.

Bon sang, ferme là, s'intima-t-il à lui-même.

— Je ne veux pas faire le rabat-joie, mais tu ne rejoindras jamais Hestia si tu meurs de fatigue avant.

Joahn cligna des yeux à plusieurs reprises, surprit. Avait-il bien entendu ?

Ayant vingt-sept ans, Joahn ne vivait quasi que pour le travail, comme toute personne vivant à Cersia, profitait peu de son temps libre sans vraiment se soucier de savoir s'il approchait du moment où il devrait déménager à Hestia.

Ce système : tu es jeune, tu bosses, ensuite tu déménages et tu fondes ta famille. Puis lorsque tu deviens vieux, tu déménages encore, cette fois-ci pour Thenia, où tu commandes.
Il fallait l'avouer, il s'en branlait. Au pire, dans trois ans et demi, il rejoindrait Hestia. Alors pourquoi s'en soucier ?

Non, ce qui l'empêchait de trouver le sommeil, n'était dû qu'a son propre cœur. Qui sans stupéfaction, avait jeté son dévolu sur une créature indomptable capable de s'attirer les petites merdes.

Au quotidien, il la convoitait avec tant d'ardeur que son mécanisme intellectuel déraillait plus que nécessaire et affrontait un duel de fer. Un véritable match.

Quand un trou-du-cul revendiquait le droit d'ignorer cette femme pour conserver sa dignité, alors qu'àl'autre bout du terrain, un fils de pute s'acharnait sur sonadversaire pour avoir le privilège de l'observer afin de s'enrepaître, le jeu animé donnait un mal de crâne. Et pour clôturer le tout, le fils de pute gagnait souvent, avec la sensation d'être plus motivé que le trou-du-cul. Il jonglait comme un vrai pro. Narguant son adversaire d'un sourire narquois.

Alors Cercia ou Hestia pouvait encore bien brûler, rien n'y changerait pour lui. Il avait beau ignorer ces complaintes, sa seule échappatoire était encore le boulot. Et aussi exiguë qu'était la cabine, Vunes constituait une compagnie très acceptable. Enfin, du moment où celui-ci ne foutait pas son cul là où il ne fallait pas.

Une alarme verte s'éclaira au-dessus de l'encadrement de leur porte, annonce que leurs présences avaient bien été enregistrées. Quelques secondes plus tard, une trappe s'ouvrit sur la partie droite de leur bureau respectif. Un caisson en plexiglas, divisé en plusieurs compartiments contenant des fioles remplies de liquides et de différentes couleurs, apparu.Le travail de Joahn consistait à analyser ces fioles. De temps àautre, il s'agissait de produits chimiques du Département Clonage, du Département de Recherche ou du sang envoyé par le Centre de Santé,

Il se saisit d'une et lu l'étiquette. OK, un accélérateur de croissance, rien de bien particulier. D'après l'étiquette, il devait s'assurer que le produit correspondait bien aux normes. Rien de bien compliqué pour lui. Il jeta un œil sur le reste des flacons et s'aperçut que cinq étaient de la même substance, trois devaient être du sang et les sept dernières un liquide rose claire, sans aucun doute duliquide amniotique de synthèse.

— Putain, ça me gonfle.

Joahn releva la tête et découvrit un Vunes en pleine contemplation de ses propres tâches. Le regard dur.

— Ils m'ont donné que des échantillons de sang à analyser. Ce sont tous des tubes d'hémoglobine. Tu paries combien de verre que le suivant sera pareil ?

— C'est vrai qu'hier aussi tu n'avais eu que ça.

— Trois jours ! Qu'est-ce qu'ils fabriquent bon sang, son collègue se frotta les yeux, puis le fixa, ainsi que son caisson, on échange ?

— Tu ris ou quoi, je ne tiens pas à ce que Cahl me tombe dessus.

Cahl était un putain d'enfoiré qui se mêlait des affaires des autres, et comme ça tombait bien, il s'agissait de son job. Joahn ne le blairait absolument pas. Et puis de tout façon, depuis quand était-on obligé d'apprécier son supérieur.

— Dites les gars ?

Une tête blonde apparut, Sonia le jaugea d'un regard bleu foncé enjôleur, bien qu'elle s'était adressée à eux deux. Elle aussi vêtue du même uniforme bleu-ciel, sa petite taille la faisait ressembler à une poupée.

— Vous avez prévu quelque-chose de spécial demain soir ?

— La barbe, Sonia, souffla Vunes exaspéré par les visites incessantes de la demoiselle.

Elle sembla le prendre mal car elle le fusilla du regard.

— Ce n'est pas toi que j'invitais.

— Mais oui, c'est pour ça que subitement tu vouvoies Joahn. Vas lécher le cul de quelqu'un d'autre.

Joahn eut de la peine en regardant la jeune femme à présent rouge comme une pivoine.

— Et qui te dis que je n'ai pas envie qu'on me lèche le cul ? répliqua-t-il alors avec un sourire espiègle.

— Très bien, je ne m'en mêle plus, se résigna son collègue en levant les mains.

— Je voulais juste t'inviter à boire un verre.

Non surprit, Joahn haussa les sourcils.

— Rien d'ambigu, s'empressa-t-elle d'ajouté.

— Dans ce cas, OK.

— C'est vrai ? Super ! On se retrouve demain après le boulot alors ?

Et elle s'empressa de quitter les lieux sans doute de peur qu'il ne change d'avis, ce qui en effet était déjà le cas.

CLONES - Tome 1 ( En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant