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Sym connaissait par cœur le chemin condamner du sous-sol du Centre Scientifique au Département Clonage pour l'avoir fait une centaine de fois. Son badge lui permettait d'accéder à une majeure partie du bâtiment sans justificatif. C'était d’ailleurs la raison pour laquelle, leur projet avait pu aboutir.
 
Enfin, en quelque sorte.
 
Dévalant les seuls escaliers encore en service, il bifurqua dans un couloir sombre, repéra la dernière porte sur sa droite et l'ouvrit juste assez pour s'y faufiler. Une fois close, un léger bruit de moteur ronronnait, une minuscule lueur se détachait de l'obscurité, à peine visible. Une personne venant pour la première fois ne l'aurait pas remarqué, mais pas pour Sym.
 
Les yeux rivés sur le point lumineux, il retroussa ses narines qui s'emplirent de poussières et avança à l'aveuglette, enjamba des vielles chaises, contourna des étagères en mauvais états.
 
Il aurait, en effet, put se frayer un passage pour mieux se mouvoir, mais il était déterminé à ne montrer aucune trace de ses allées et venues dans cet endroit qui restait le plus sûr pour eux. Parce que bon, quand on créait un être en toute illégalité, il était plus sage de ne pas le cacher chez soi. Leur offrant le bénéfice d'une présomption d'innocence. Ainsi, mieux valait que l'on trouve le clone dans ce bâtiment sans surveillance, que dans leur cave.
 
Bien qu'à bien des égards, en l’absence de ces couillonnades, cela aurait résolu les intempestifs qu'ils rencontraient en ce moment. De toutes les façons, il était impossible de sortir hors de ce bâtiment, les quelques substances ou matériaux nécessaires au clonage. Les employés étaient scrupuleusement bien surveillés.
 
Enfin, c'était ce que les Dirigeants supposaient.
 
Au fur et à mesure qu'il approchait, le ronronnement augmentait en décibel et devant le plus grand meuble de la pièce, il scruta la sortie avant de la contourner.
 
Elle était là. La petite merveille.
 
Une poche évolutive à la texture caoutchouteuse et translucide qui avait été subtilisée quelques étages plus hauts et était suspendue à un dispositif de lévitation.
 
De la forme d'un gros C en métal, la cavité remplie de liquide amniotique de synthèse flottait au centre relié par trois canaux. Deux, servant à renouveler ce liquide et un pour alimenter le placenta de nutriment vitaux pour le fœtus. Du moins, c'est ce qu'il imaginait. Ce n'était pas lui le génie high-tech qui l'avait conçu, mais sa femme. Une putain de raison en plus pour la vénérer.
 
D'après ce qu'il avait compris, un analyseur récoltait les données par ondes et les retranscrivait sur le seul écran. Chaque jour, il les copiait et les envoyait à son beau-frère, qui se chargeait d'étudier le développement du fœtus. Comme une échographie de contrôle.
 
À l’intérieur de ce bolide à la puissance d'une voiture de course et aussi élégante qu'une sportive, un petit corps s'y mouvait.
 
Après avoir transféré dans son badge les données enregistrées depuis son dernier passage, Sym s'installa à même le sol et admira la petite chose. Malgré la pénombre, il la distinguait assez pour la discerner. Elle remuait beaucoup, tout en exécutant de petites pirouettes, elle semblait tout à fait sereine.
 
Cependant, le bonheur qu'il avait à l'observer se changea en douleur, sa gorge se serra. Jamais il ne se résoudrait à la donner et comprit à ses dépens qu'Avelina ne la considérait pas encore comme sa fille. Elle ne l'avait jamais vue hormis en photo. Aucun lien ne les reliait encore. Peut-être que s’il arrivait à l'emmener ici, elle changerait d'avis.
 
Mais il la connaissait que trop et abandonna cette idée qui ne ressemblait absolument pas à son épouse. Elle était du genre stratégique et analytique. Ce qui par moment le rendait dingue. Alors que lui, il avait toujours eut tendance à fonctionner à l'instinct, s'adapter aux agissements de sa femme n'avait jamais été facile. Et pour cause, ces événements récents démontraient à quel point que tout ceci le dépassait. Même s'il fallait l'avouer, le plan que proposait sa belle-sœur et son beau-frère ne manquait pas de lucidité, leur assurant une sécurité sans faille si tout fonctionnait comme prévu.
 
Juste le fait d'imaginer sa femme souffrir neuf mois de plus par ces réglementations forcées, le rendait malade. Sans parler de ce bébé qu'il abandonnerait pour un autre.
 
Si les choses semblaient s'être tassées entre sa femme et lui, le temps leur était compté. Quoi qu'ils décident, le plus dur serait de trouver une solution qui arrangerait tous le monde. Ils devraient apprendre à faire confiance et apprécier de parfaits étrangers.
 
Ça c'était le problème global, car il n'oubliait pas cette histoire de prise de sang. Dan leur avait assuré qu'il y avait moyen de contrer les résultats à condition de connaître la date exécutoire. Ce qui n'était pas le cas, ils avaient reçu une convocation en effet, mais elle ne notifiait comme information que, sa femme serait emmenée pour une prise de sang et qu'il faudrait qu'ils coopèrent.
 
Rien de plus. Juste bien les faire flipper.
 
Et pourtant, il n'arrivait pas à en vouloir à Avelina pour avoir pris la liberté de sortir de la maison en pleine nuit. Cela lui ressemblait tellement.
 
La conjoncture absurde le fit rire.
 
Au son de sa voix, le fœtus réagit et tourna sa petite tête chauve vers Sym, puis lui tourna le dos avant de reprendre ses pirouettes aériennes. Les mouvements formaient une danse hypnotique et apaisante.
 
Il lui fallut un long moment avant de quitter la pièce et laisser l'enfant seul, au risque que quelqu'un ne la découvre.
 
Un sentiment qui lui déchirait toujours le cœur.
 
À chaque fois que cela se produisait, la pensée de savoir qu'il ne la quitterait plus jamais une fois mise au monde, le poussait à continuer. Mais cette fois-ci ses pensées fut tout autre.

CLONES - Tome 1 ( En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant