Les Faucheurs I - Sombre prophétie

Chapitre 2. II.

Des bruits de pas, un bruissement de feuilles et une ombre qui se découpait à la pâle lumière que projetaient les lampadaires. Voilà ce qui vint troubler le calme dans lequel Gretel s'était réfugiée. Elle ne sut si elle en était déçue ou non tant elle luttait contre la panique qui la gagnait.

« Gretel ?

Elle se raidit en entendant cette voix grave et rocailleuse, et pressa un instant les paupières. Elle griffait si fort son poignet pour ne pas virer folle qu'elle oublia une fraction de seconde qui se tenait derrière elle. Qu'importe, le nouveau venu se chargea de le lui rappeler.

— Je sais que c'est toi.

Elle fit volte face et déglutit. Devant elle se dressait un homme dont les cheveux noirs contrastaient avec ses yeux d'un bleu si pur qu'ils en devenaient troublants. Il semblait osciller entre la vingtaine et la trentaine pourtant, le seul fait qu'il la connaisse et l'appelle par son prénom détrompait sa jeunesse apparente et indiquait qu'il avait au moins plus de quatre siècles. Ses traits, finement ciselés, auraient pu être ceux d'une divinité de la nuit. Le charme qu'il dégageait était tel qu'on s'imaginait sans peine céder à la tentation. Dire qu'il était beau était presque un euphémisme. C'était une évidence qu'il ne fallait pas nier. Alors que Gretel possédait des traits communs et marqués par des années de combat, assombris et ternis par sa chevelure cendre, lui était exceptionnellement remarquable. 

Le faucheuse se mordit la lèvre inférieure, tentant de contrôler la vague puissante d'énergie qui la secoua. Lorsqu'elle parvint enfin à sortir un son, ce fut pour croasser douloureusement :

— Valentin...

Le dénommé Valentin ne se retint plus et se précipita sur la jeune femme pour la serrer dans ses bras. Elle se raidit instinctivement mais ne réagit pas, se laissant enlacer par ses deux bras solides qui semblaient ne plus vouloir la laisser partir. Elle ferma les paupières et se mordit la joue pour ne pas hurler. Elle n'aimait plus qu'on la touche. Pas lui. Si jadis elle trouvait dans leurs étreintes un extase véritable, désormais, il lui rappelait ce qu'elle n'était plus. C'était trop pour elle. 

Elle en voulait un autre ! Elle voulait son frère. Pourtant, le jeune homme était d'une telle tendresse qu'elle se retint de le repousser, se contentant d'inspirer l'odeur de poudre qui collait à ses vêtements. Une odeur finalement bien familière et qui parvint à apaiser sa répulsion due aux siècles d'enfermement. Elle finit par complètement se laisser porter par l'étreinte, refoulant les larmes qui menaçaient de s'écouler. Elle aurait voulu s'excuser, l'embrasser, le repousser... Mais il se détacha de lui-même et s'exclama, la voix déraillant sous le coup de l'émotion :

— Je pensais ne plus jamais te revoir ! Mon père m'avait empêché de descendre dans les souterrains ne serait-ce que pour te rendre visite et t'apporter des nouvelles de ton frère...

Son père. Le grand Patron. Elle avait rencontré Valentin peu de temps après son arrivée. Bien que plus âgé de quelques siècles, il était encore un jeune homme fougueux, courageux et surtout,  affichant un orgueil démesuré. Pour une raison qu'aucun d'eux ne s'expliquaient, il avait tout de suite été attiré par elle. Le jeune homme s'était d'abord heurté à la présence du jumeau qui ne quittait jamais Gretel et avec qui il entretenait une rivalité bien connue. Séparer le frère de la sœur avaient été mission impossible jusqu'à que Valentin parvienne à attirer la jeune femme dans une rencontre secrète. Rien que tous les deux. Ce fut alors à sa résistance qu'il se confronta. Gretel était fière, moqueuse et surtout, elle n'aimait personne excepté son frère. Un gros défit qu'il remporta finalement haut la main puisqu'elle accepta qu'il la courtise et les choses se faisant, ils devinrent amants. Secrets tout d'abord. Après tout, Valentin et le jumeau étaient toujours rivaux.