Chapitre 17. I.

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"Alors la mort se pencha sur celui qui avait affronté pour elle le mal et la lune, aux prix de tout ce qui lui était cher. Et comme elle chérissait ses enfants, elle lui offrit deux choses à la valeur inestimable : tout d'abord l'immortalité pour que rien de ce qui peut faucher les mortels ne le prennent, lui qui fauchait pour elle, lui donnant ainsi l'occasion de découvrir des milliers de bonheurs, une immortalité qu'elle offrit également à tous ceux qui après lui combattirent en son nom. Et pour l'accompagner dans cette immortalité elle lui offrit également un totem, un être qui le guiderait quand les nuits seraient les plus sombres, un compagnons dans cette longue vie, qu'il pourrait trouver en n'importe quel lieu, à n'importe quelle époque et sur lequel il aurait tout pouvoir."

Conte sur l'histoire des Faucheurs.
Auteur inconnu.
Date : antérieur à l'an 0.

*

La faucheuse aux cheveux gris ne savait où poser son regard. Il y avait des sorcières, partout où ses yeux osaient s'égarer. Elle ne voulait pas voir leurs visages déformés par la sorcellerie. Elle ne voulait pas voir les créatures de la lune. Elle devinait les horreurs qui se cachaient derrière ces centaines de femmes, servantes du mal. Elle les haïssait... Si seulement elle pouvait toutes les tuer...

Soudain, son regard s'accrocha à un détail : une petite forme sombre dissimulée derrière les branches d'un arbre voisin à celui au pied duquel se dressait la maison en sucrerie. Gretel écarquilla des yeux et cessa de respirer un instant. La voilà sa chance ! Un espoir...

Hansel chassa les sorcières d'un geste de la main, les renvoyant toutes à leurs occupations. Puis il s'empara du bras de sa sœur, bien décidé à l'entraîner derrière lui de nouveau dans les profondeurs de la terre, entre les racines tortueuses et sous cette maison de cauchemar. Non, Gretel ne se laissera pas faire !

Elle tira sur la main de son frère pour le faire s'arrêter. Plongeant un regard désespéré dans le sien, elle fit appel aux larmes.

« Attends Hansel s'il te plaît ! Deux secondes... Laisse-moi deux secondes seule, j'en ai besoin...

— Qu'est-ce que tu veux bien faire durant ce temps ?

— Une prière pour Blanche.

Sa voix se brisa, volontairement. Pour peu, la faucheuse s'applaudirait elle-même. Elle jouait divinement bien la pauvre fille éplorée. Le sorcier tomba dans son piège et finit par soupirer d'agacement pour dissimuler l'élan qui le poussait à exaucer la prière de sa sœur. Il relâcha son bras et gronda :

— Tu as deux minutes. Si tu oses essayer de t'enfuir, je te promets de retrouver tous ceux qui ont un jour compté pour toi et de les détruire pour te punir d'avoir osé me défier. Peut-être qu'en n'ayant plus rien qui te relie à ta vie de faucheuse, tu accepteras plus facilement ce destin que je t'offre.

Sans ciller, elle soutint son regard, se fendant en un sourire tendre et enfantin avant de promettre :

— Je ne m'enfuirai pas. »

Il hocha de la tête, rassuré d'avoir la parole de sa sœur, avant de s'en aller, disparaissant dans l'obscurité. S'assurant qu'il s'en soit allé, elle s'approcha du perron et siffla un petit coup. La forme sombre sur l'arbre tourna la tête vers elle, gonflant son plumage de geai. Un corbeau. Répondant à l'appel de la faucheuse, il déploya ses ailes et s'envola pour se poser à quelques pas d'elle avant de sautiller en sa direction, penchant sa tête sur le côté, intrigué. Elle s'accroupi pour se mettre à genou, tendant la main vers l'oiseau qui vint caller sa petite tête contre la paume. Il s'y frotta et pour la première fois depuis le début, Gretel sentit un véritable réconfort. Elle aimait cet oiseau et il l'aimait. Purement, simplement. C'était une partie d'elle, son totem. Dans son dos, son tatouage se mit à se réchauffer, doucement, paisiblement.

Les Faucheurs I - Sombre prophétieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant