4] Retrouvailles

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-Où étais-tu passée hier? Tu as soudainement disparu sans le moindre mot!
-Je suis douée pour disparaître c'est bien vrai. Mais me voilà à présent, alors qu'importe.

La mère d'Ange est assise sur le canapé, le visage caché dans ses mains, silencieuse, effondrée et passive. Son père, lui, préfère inconsciemment faire passer sa tristesse par sa colère. Lorsque sa fille aînée est entrée dans leur maison, comme si de rien était, il a eu envie de la gifler, comme on gifle une petite fille désobéissante.

-Qu'est ce que tu comptes faites maintenant? Maintenant que...

Les mots restent bloqués dans sa gorge. Ange finit sa phrase, d'un ton totalement détaché:

-Maintenant qu'elle est morte?

La femme âgée d'un peu moins d'une cinquantaine d'années se met aussitôt à pousser un gémissement de douleur. Comme si ces paroles lui transperçaient le cœur.

-Qui y a t'il? Tu ne supportes pas d'entendre la vérité? Et bien moi j'y fais face à la vérité.
-Ange tais-toi! Ni ta mère ni moi n'avons besoin d'entendre tes plaintes anarchiques!
-Et pourtant vous allez m'écouter! Je me suis tue hier, pour elle, pour ma sœur, mais maintenant il est tant de remettre les choses au clair! Comment avez vous pu? Comment avez vous pu la laisser se faire enterrer avec un parfait inconnu? Avec l'homme qui l'a tuée?!
-Arrête!
-Arrêtez quoi?! Vous savez que j'ai raison! Sans cet homme elle serait toujours vivante! Et vous l'avez condamnée à passer l'éternité avec son assassin!

Sa mère lève doucement son visage vers elle, les yeux gonflés mais secs:

-C'était un accident!
-Il n'en est pas moins responsable! C'est lui! Lui qui avait le volant!

Son père ne peut plus en entendre plus. Il ferme les yeux et avance jusqu'à un fauteuil où il se laisse tomber. Les larmes coulent sur ses joues:

-Mais pourquoi nous tortures-tu comme ça?! Ça ne la ramènera pas! Je t'en prie arrête!
-Elle aurait dû être incinérée et vous le savez! Jamais elle n'aurait voulu finir le corps dévoré par des vers! Elle aurait voulu partir proprement. Partir en fumée.

La femme se lève du canapé et sa proche de la seule fille qui lui reste désormais:

-C'est fait! Alors maintenant peu importe! Il est trop tard!
-Non il n'est pas trop tard! On peut encore la sortir de là! Ne pas la condamner à ça et...

Elle se fait couper brusquement par la main de sa mère s'écrasant sur sa joue. La claque résonne dans la pièce. Ange est si surprise qu'elle se met à fixer sa génitrice avec deux grands yeux embêtés.

-Tu n'avais qu'à être là! Si tu n'avais pas fui aussi lâchement tu aurais pu donner ton avis, mais tu n'étais pas là. Tu as abandonné ta famille. Tu as abandonné ta sœur! Alors maintenant tu vas te taire et partir.

Ange la fixe une seconde, puis tourne son visage vers son père qui continue de pleurer en silence sur le fauteuil puis elle revient de nouveau à sa mère:

-Très bien. Adieu maman. Adieu papa. J'espère qu'elle vous hantera pour toujours. Au moins vous ne l'oublierez pas. Vous ne l'oublierez pas comme vous allez m'oubliez facilement. Je le sais. J'ai toujours été une déception pour vous, une crainte. Je ne suis pas normale, vous le saviez déjà à ma venue au monde. Et ce prénom ridicule dont vous m'avez affublée n'a strictement rien changé. Le petit ange prend son envol et retourne en Enfer. Nous nous y croiserons sûrement un jour, dans pas si longtemps...

AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant