44] Oreiller

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C'est en l'étouffant avec un oreiller que ses bourreaux ont décidé de poursuivre la séance de torture.
Silencieux et efficace, en un mot: parfait.

Ange continue d'espérer simplement que le bruit qu'elle a provoqué a été suffisant pour que son voisin appelle la police.
Elle ne veut pas être sauvée. Elle ne veut pas qu'on soigne ses blessures. Elle ne veut pas finir sa vie dans un hôpital psychiatrique lorsqu'ils se seront aperçus qu'elle est cannibale. Non.
Ange ne veut qu'une chose. Elle veut mourir. Mais ces hommes ne le veulent pas, alors une fois que les flics seront venus l'aider il n'y aura pas d'interrogatoire, pas de psychologue, pas de médecins. Il y aura simplement un suicide. Se défenestrer, prendre le flingue d'un des policiers et se tirer une balle dans la tête, s'ouvrir les veines avec une lame de rasoir... La jeune femme ne sait pas encore comment elle s'y prendra mais la manière lui est bien égale. Seul le résultat compte.

Semblable à la noyade, DY qui tient l'oreiller prend cette fois garde à ne pas la tuer. Il l'écrase en étant assis sur sa poitrine pour l'empêcher de gesticuler tandis que XE se charge de ses bras et que OL regarde attentivement la scène, debout à côté du lit. Cette pression sur sa cage thoracique augmente sa difficulté à reprendre son souffle et à se maintenir en apnée. Elle a l'impression à chaque fois qu'elle va mourir de nouveau, priant pour être délivrée et que cette dois ils ne réussissent pas à la ramener, mais jamais elle ne franchit totalement la frontière.

-Alors? Tu vas te décider?
-Il n'y a personne! Je ne travaille pour personne!

Mais à chaque mauvaise réponse c'est un nouvel étouffement assuré.

-Si tu veux arrêter de souffrir tu n'as qu'à parler et tu le sais! Qui t'a chargé de tuer ce mec! Qui t'a demandé de faire une telle boucherie?

Ange n'a rapidement même plus la force d'articuler le moindre mot et se contente d'essayer de respirer malgré tout.

La séance dure une quinzaine de minutes jusqu'à ce qu'elle soit finalement interrompue par le bruit de quelqu'un qui frappe à la porte. Encore.

XE sursauté à moitié et DY enfonce un coin de  l'oreiller dans la bouche de la jeune femme pour l'empêcher une nouvelle fois de crier à l'aide. Il tourne son visage vers OL et chuchote:

-Tu penses que c'est encore le voisin?

Ce dernier n'a pas le temps de répondre soi sur ce soit qu'une voix forte et masculine résonne derrière la porte:

-Madame Succube, c'est l'inspecteur Delaunay. Un voisin a appelé le service pour tapage nocturne. Pouvez-vous ouvrir la porte s'il vous plaît...

OL crache entre ses dents:

-Bordel de merde...

Il faut signe à DY de se pousser, sort un flingue qui était dissimulé sous son t-shirt, tenu par sa ceinture et de sa main libre saisit la jeune femme par les cheveux avant d'approcher son visage tout près du siens:

-Écoute moi attentivement salope: je vais retirer l'oreiller de ta bouche et tu vas faire en sorte de le faire gentillement dégager le plus vite possible. Demerde toi, mais si ça ne marche pas ou si tu tentes quoi que ce soit j'explose la cervelle du flic et on t'emmène dans une planque ou jamais personne ne te retrouvera et où pourra s'amuser avec toi jusqu'à ce que tu meures de vieillesse. C'est clair?

Elle hoche doucement la tête et il lui retire son bâillon improvisé, prêt à utiliser sans hésitation son arme si nécessaire.

-Ange? Je ne veux pas vous mettre une amende, mais vous devez jouer le jeu et être de bonne foi. Ne faites pas semblant de ne pas être là, nous savons tous les deux que c'est faux.
-J...

La syllabe s'étouffe dans sa gorge. Tout son corps la fait atrocement souffrir et rien que parler lui demande un effort surhumain. Elle avale avec difficulté sa salive et reprend d'un voix qu'elle espère neutre.

-Je suis vraiment désolée pour... le bruit... En fait j'ai fait tomber ma table par accident. Mais je crois que mon voisin ne m'apprécie pas beaucoup.
-Oui... j'imagine bien. C'est pour ça que je suis ici d'ailleurs. Je suis de la brigade criminelle, je ne m'occupe pas de ce genre de plaintes d'habitude, mais j'étais de nuit et lorsque j'ai entendu votre nom je me suis proposé pour venir.
-Oh c'est... gentil. Merci de m'épargner des problèmes inutiles.
-De rien. Mais... pourriez ouvrir la porte?

Ange regarde OL, ne sachant pas quoi faire. Il se contente de serrer davantage une poignée de ses cheveux dans sa main et d'approcher un peu plus le canon de l'arme de son visage.
Elle sait qu'il ne l'a tuera pas. Qu'il pense avoir besoin d'elle, et qu'il préfère largement la faire souffrir. Et Ange ne veut plus souffrir...

Alors, dans un éclair de panique et de génie elle articule de façon faussement gênée:

-Et bien en fait... je ne suis pas seule.

OL et DY échangent un regard méfiants.
L'inspecteur se racle la gorge mais reprend:

-Oh... je vois. Ce qui explique ce... tapage alors. Néanmoins, j'aimerai que vous ouvriez, simplement pour que je puisse dire clairement à mes collègues que j'ai vérifier, que tout va bien et que le problème est résolu.

Mais la jeune femme ne peut pas aller ouvrir. C'est impossible. Pas dans son état. Elle est recouverte de sang, d'hématomes, de plaies...
Alors après une seconde réflexion elle murmure à OL, les yeux emplient de haine:

-Il faut que l'un de vous y aille. Qu'il se fasse passer pour mon mec...

AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant