8] Coupure

8.3K 839 250
                                    


Après s'être savonnée plusieurs fois jusqu'à ce que sa peau soit totalement décapée elle attrape une serviette et sort de la baignoire mais en posant son pied droit sur le sol une vive douleur lui saisit le talon. Elle s'écarte aussitôt et regarde. Elle a accidentellement marché sur la lame de la scie qu'elle n'avait pas encore mise dans un sac poubelle ni même nettoyée.
Elle s'assoit sur le rebord de la baignoire et regarde le dessous de son pied. Son talon n'est que légèrement ouvert, mais suffisamment pour que du sang se mette déjà à couler vivement. Elle pousse un gémissement de frustration et repose son pied sur le sol avant de se pencher pour attraper la scie par la poignée.
Elle regarde la lame qui est encore sanguinolente et dont des morceaux de chair sont encore prisonniers sur les dents.

-C'est une vengeance? Le ciel veut me faire mal à mon tour pour que je comprenne ce que je lui ai fait?

Elle lève les yeux vers le plafond, comme pour s'adresser à une entité céleste et poursuit:

-Mais il n'a pas eu mal! Il n'a pas souffert! Je lui ai épargné ça, contrairement à ce qu'on ne m'a pas épargné à moi. Toute ma vie est souffrance. Je n'aurais jamais dû venir au monde. Je suis un monstre. Et maintenant que le monstre est libéré il va faire ce pour quoi il est doué. Amen.

Elle brandit alors son majeur tendu vers le ciel pendant quelques secondes puis repose son regard sur la lame.
A regarder les morceaux déchiquetés prisonniers des dents c'est à se demander comment cela a pu un jour appartenir à un humain, qui plus est, à un humain vivant.
Ce n'est rien désormais. Rien d'autres qu'une accumulation d'atomes comme une autre.
On pourrait confondre avec de la chair de porc ou de bovin. Mais d'ailleurs, ce rouquin n'était-il pas un animal comme un autre? Pourquoi cela serait différent?

Ange attrape une longue tranche de chair pendouillante entre son pouce et son index et l'approche de son visage. Elle hume l'odeur qui en émane et comme elle s'y attendait ce n'est rien d'autre qu'une effluve de sang et de chair encore assez fraîche qui parvient jusqu'à ses narines.
Oui... c'est pareil. Exactement pareil.

Lentement, elle entre ouvre les lèvres et penche sa tête en arrière avant de faire entrer le lambeau à l'intérieur de sa bouche et de la refermer.
Elle veut savoir le goût que ça a. Elle veut savoir en quoi de la chair humaine est elle différente.

Elle se met à mâcher, très doucement, pour ne manquer aucune des sensations gustatives que cette nouvelle expérience peut lui offrir.

C'est étrange, mais plus parce que c'est cru que parce que c'est de l'humain.
Le petit goût métallique attendu se repent aussitôt sur ses papilles, puis vient une seconde vague, plus profonde, plus chaude et sensuelle.

Finalement, elle avale et reste là sans bouger pendant quelques instants, le temps de retrouver ses esprits.

Et bien. Au moins ce petit rouquin puéril aura su la faire jouir de bien des manières.
Non pas en frottant son corps nu contre le siens.
Mais il lui a fait découvrir des sensations dont elle n'avait alors jusque là pas même soupçonné la portée.
Cette jouissante lorsqu'elle l'a tué.
Cette jouissance lorsqu'elle l'a découpé.
Et désormais également, cette jouissance lorsqu'elle l'a mangé...

AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant