Ange

13] Faim

Lorsqu'Ange ouvre les yeux elle a l'impression de subir une gueule de bois. Son cerveau cogne contre sa boîte crânienne comme s'il voulait s'en échapper et des nuées de frissons la parcoure. Malheureusement pour elle, contrairement aux émotions humaines, elle n'est pas plus résistante face à la maladie que quiconque et avoir passer une nuit dehors a peine couverte n'a pas dû l'épargner.
Elle a soif. Sa bouche est pâteuse et sa gorge sèche.
Elle se lève de son lit et va jusqu'à la cuisine où elle se sert trois verres d'eau à la suite avant de réussir à étancher sa soif.
Et là, son ventre se met à gargouiller et à crier famine. Elle ouvre le frigo mais constate qu'il est vide. Elle n'a pas vraiment eu le temps de faire des courses depuis qu'elle est revenue sur la capitale il faut dire. Ce petit appartement à louer a été le premier qu'elle a trouvé via internet et malgré le prix exorbitant qu'on lui demandait pour pourvoir s'installer directement elle n'a pas essayer de marchander.
Elle ouvre un placard et prend un paquet de gâteaux qu'elle avait ramené avec elle. Elle ouvre l'emballage et croque dans un biscuit. Elle avale avec difficulté. Cela ne l'anime en rien. C'est sec et fade. Elle a besoin de quelque chose de chaud et constituant.
Elle attrape son portable et décide de commander italien.

Lorsqu'enfin on sonne à son interphone Ange se précipite dessus et indique l'étage avant d'appuyer sur le bouton d'ouverture automatique.
Elle va dans le couloir et ouvre la porte d'entrée. Là, un jeune homme à peine plus jeune qu'elle, apparaît des escaliers, un sac plastique dans la main.
Il sourit:

-Bonjour, pour la commande italienne c'est bien vous?
-Oui c'est exactement ça.
-Super. Ça vous fera seize euros quatre-vingt s'il vous plaît.

Ange tend un billet de vingt. Il lui donne alors le sac avant de lui rendre la monnaie puis la remercie et lui dit bon appétit avant de tourner les talons.

La jeune femme ouvre le sac plastique et regarde le contenu. La délicieuse odeur se met alors à pénétrer ses narines mais cela ne provoque chez elle en rien l'effet escompté. Elle hésite une seconde mais presque aussitôt elle interpelle de nouveau le garçon:

-Excusez-moi?

Celui-ci se retourne aussitôt et remonte les quelques marches qu'il avait commencé à descendre.

-Il... y a un problème avec votre commande madame?
-En effet.
-Oh... je suis désolé. Je vais immédiatement retourner vous rapporter ce que vous aviez commandé et bien-sûr ce sera offert par...

Elle le coupe en levant doucement la main:

-Non en fait c'est bien ce que j'avais commandé.
-Alors qu'est ce qu'il ne va pas?
-Et bien... il va manquer l'essentiel si vous partez.

Et sur ces mots elle pose sa main levée sur le torse du jeune homme qui perd alors toutes ses couleurs.

-Je... n...non... écoutez... je suis désolé mais je travaille et...
-Et alors? Je peux te payer les heures sup si c'est ça qui te tracasse.

Elle s'approche encore un peu plus et laisse tomber le sac sur le sol pour pouvoir l'enlacer totalement.

-Non ce n'est pas ça mais je... je travaille et si je ne me dépêche pas je risque de... de perdre mon boulot...

Elle glisse sa main dans sa poche pour lui prendre son téléphone et le lui tendre:

-Tu n'as qu'à les appeler. Dis leur que tu te sentais mal et que tu retournes chez toi pour l'après midi. Ça peut arriver à tout le monde non?...
-Madame je...
-Tais-toi. On sait tous les deux que tu en as envie autant que moi.

Et sans lui demander son avis elle l'embrasse passionnément.
Il est totalement tétanisé, se demandant qui est cette femme si entreprenante et sûre d'elle, mais ses hormones reprennent vite le dessus et tout doute ou inquiétude s'envolent rapidement face à cette beauté si enivrante.

Et, sans se faire prier davantage, il se laisse entraîner à l'intérieur, dans cet enfer qu'il imagine paradis...