11] Décomposition

6.4K 732 10
                                    



Lorsqu'elle remet enfin les plaques de béton en place, Ange est littéralement épuisée et recouverte de terre. Elle a le souffle court et la tête qui tourne légèrement d'avoir dû être aussi efficace. Mais ça y est. Elle a terminé ce pour quoi elle était venue.

Elle lève les yeux vers le ciel. La nuit commence à laisser place à l'aurore. L'horizon devient légèrement claire et les étoiles deviennent de plus en plus invisibles.

Elle tourne alors son visage la tombe de sa sœur, qu'elle s'était refusée de regarder depuis qu'elle était arrivée.
N'importe qui l'imaginerait au ciel, paisiblement, mais pas Ange. Ange sait que ce sont des conneries que l'on raconte aux enfants pour les empêcher d'avoir peur du noir, mais la réalité est que sous ses pieds, il y a le cadavre de sa sœur qui est en train de se faire manger par des vers grouillants.
À quel stade en est la décomposition?
Sa peau a t'elle commencé à fondre? Ses yeux à tomber dans ses orbites? Ses muscles à se rétracter? Ses organes à pourrir?...
Elle était si belle? Elle a toujours été si belle.
Même si tout le monde disait que les deux sœurs se ressemblaient comme deux gouttes d'eau à l'exception de leurs yeux, en réalité c'était faux. Elles ne se ressemblaient pas. Sa sœur était douceur, timidité et amour. Elle n'est que férocité, détermination et haine.
Elles étaient les antonymes parfaits l'une de l'autre, et c'est sans doute pour ça qu'Ange aimait autant sa cadette. Parce qu'au fond c'était sa part de lumière...

Elle se met à genoux et tend lentement la main et la pose sur les plaques de béton qui recouvrent sa tombe:

-Oh ma chérie... je suis désolée. Tellement désolée.

Les sanglots qu'elle avait retenu jusqu'à présent se mettent à monter et à la submerger malgré elle.
Des larmes incontrôlables se mettent à couler le long de ses joues froides et salies par la terre, formant une sorte de gadoue sur sa peau.

-Tout est ma faute. Si... si j'étais restée au près de toi tu serai toujours là. Je t'aurai protégée. Comme je l'avais toujours fait. Oh ma chérie... Je... je t'aimais tellement. Je t'aimais tellement...

Elle retire sa main des plaques et vient essuyer ses larmes de revers de sa manche en reniflant puis se relève, les yeux secs.

Elle doit partir. Elle n'a pas le temps de se morfondre sur quelque que chose que dans tous les cas elle ne pourra pas changer.
Elle attrape la pelle et après un dernier regard se met à faire le chemin inverse par lequel elle est arrivée jusqu'ici.

AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant