Ange est nerveuse. Ses mains se cramponnent au volant comme pour calmer ses nerfs et sa conduite est celle d'un robot automatisé qui fait des mouvements pré-etablis plutôt que réfléchis.
Elle ne veut pas se faire prendre et regrette de ne pas avoir davantage réfléchie à la théorie avant de se mettre à la pratique. Mais il est trop tard maintenant. Elle doit se débarrasser de ces sacs poubelles et le plus tôt sera le mieux. Il est près de deux heures du matin mais cela n'empêche aucunement de nombreuses voitures de circuler comme elle dans les rues de Paris. Après s'être exilée pendant toutes ces années au fin fond de nulle part elle en avait oublié l'activité permanente du bassin parisien...
Elle sait qu'enterrer un cadavre n'est pas la meilleure façon de ne pas se faire prendre. Il suffit de regarder des faits divers plus ou moins excentriques pour savoir que les ossements seront toujours là, et donc toujours trouvables. Mais Ange est intelligente, ce serait l'insulter que dire le contraire, et elle n'a pas l'intention d'ensevelir les morceaux sous sa terrasse ou dans son jardin. Elle doit les emmener loin d'elle, pour que personne ne soupçonne jamais sa culpabilité, et deuxième lieu elle doit les mettre dans un endroit où personne ne risque de tomber par hasard dessus.
Et dans quel lieu ce cadavre passera-t-il inaperçu au milieu de tant d'autres? Mais dans un cimetière bien-sûr...
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Les cimetières ne sont pas particulièrement protégés ni surveillés en pleine nuit, parce que qui oserait troubler le repos des morts?... Ange ne peut s'empêcher de sourire devant la naïveté du commun des mortels. Mais aujourd'hui cela l'arrange bien, et cette innocence va largement jouer à son avantage.
Le cimetière qu'elle a choisi n'est pas n'importe lequel étant donné que c'est celui qu'elle a visité la veille pour l'enterrement de sa sœur. Mais il est surtout stratégiquement placé car son entrée principale donne sur une rue passante, mais l'un de ses murs longe une petite ruelle sombre en cul de sac. La jeune femme y gare donc sa voiture en marche arrière pour que le coffre soit indivisible pour tous et qu'elle décharge ses sacs dans la plus grande discrétion.
D'une agilité inée, elle grimpe sur la benne à ordure qui serait presque posée là simplement pour elle, et regarde par dessus le mur pour vérifier que le cimetière est parfaitement désert. Une fois certaine que c'est le cas elle redescend chercher les sacs et les fait passer un par un de l'autre côté ainsi que la grande pelle de jardinage qu'elle a, comme la scie, gentiment empreintée à son paternel. Elle referme son coffre puis le plus rapidement possible enjambe le mur à plat ventre pour rester toujours invisible, avant d'atterrir à croupis sur le sol. Elle se redresse en attrapant dans une main la pelle et dans l'autre un des sacs et se met à marcher dans l'allée, prête à faire le plus efficacement possible ce pour quoi elle est venue jusqu'ici...
