Chapitre 10

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— Je ne peux pas!

— Mais oui, tu peux!

— Non! Je te dis que non!

Nate éclate de rire, alors que je m'agrippe comme une arrache-pied aux bordures de la piste de patins à roulette. Dès que j'ai mis le pied dessus, tout à l'heure, ça n'a pas pris le quart d'une seconde pour que mon talon glisse le plus loin possible de mon corps, jusqu'à ce qu'il soit suffisamment loin de l'autre pour que je me retrouve dans une position inconfortable, même douloureuse, de grand écart. C'est sans parler qu'ensuite, j'ai bien failli me cogner le nez par terre.

— Un pas! Tu n'as qu'un pas à faire vers moi. Je te promets que je vais te rattraper!

— Non, ne me touche pas.

Les sourcils de Nate se fronce, et j'ai la drôle d'impression qu'il vient tout juste de remarquer que je n'ai jamais voulu qu'il me touche. Ni même qu'il m'effleure.

— D'accord, alors tiens-toi sur moi.

Il suit ses paroles d'une longue glissade dans ma direction, et pose son bras verticalement près du mien, pour m'inviter à y poser ma main. J'hésite un instant. Pourtant, ma paume froide s'installe dans le creux de son coude. Je frissonne lorsque la chaleur réconfortante de sa peau rencontre la mienne, mais ça ne dure qu'un bref moment. Je ne peux pas me permettre de ressentir ce genre de truc-là. Ce ne serait pas moral.

— Je ne peux pas croire que je suis en train de faire ça, grogné-je, alors que je fixe les passants.

Nate sourit drôlement.

— Je t'avoue que moi aussi je suis un peu étonné.

Je lève les yeux vers lui, perplexe. Je ne sais pas très bien s'il est étonné que je sois en train de faire ça, ou que lui soit en train de faire ça...

Il n'approfondit pas son idée et se contente de porter son regard au loin, sans se soucier une minute de plus de mes songes, très peu pertinents.

Pendant plus d'une heure, j'améliore mes capacités de patinage, pendue à son bras. À un moment, je m'essaie toute seule, mais rapidement, je remets mes petites roues et repose ma main sur son avant-bras, nerveuse. C'est comme si depuis le début, tous les yeux étaient tournés vers moi. Comme si chaque personne dans cette salle me dévisageait et me pointait du doigt. Comme si j'étais seule devant des centaines de regards inquisiteurs et vénéneux. Pourtant, lorsque je lève les yeux pour le constater, je m'aperçois que j'aie tout faux. Pour la première fois depuis longtemps, personne n'est là à garder toute son attention sur moi pour me dénigrer ou parler de moi en marmonnant et en me pointant du doigt.

Personne ne fait attention à ma présence, personne ne ralenti près de moi, personne ne me regarde. Personne, sauf Nate. Ça fait du bien, pour une fois.

— À quoi tu penses? me demande-t-il, en me regardant du coin de l'œil.

— Pourquoi, vous, les garçons, vous devez toujours tout savoir de ce que pense une femme? Pourquoi, alors que vous savez pertinemment que la réponse qu'elle va vous donner est forcément fausse?

Un sourire malsain aux coins des lèvres, Nate passe sa langue sur son labret décalé, sous forme d'anneau argentée. Ça me stupéfie à quel point il semble s'amuser d'un rien.

— C'est justement ça, qui est excitant! Juste avec votre réaction, c'est tellement facile de savoir à quoi vous pensez réellement, dit-il, nonchalamment.

J'entrouvre les lèvres pour parler, mais change mes propos à la dernière seconde.

— Si tu es si bon pour détecter tout ça... À quoi je pensais, moi, alors?

LotusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant