Chapitre 11

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Ma porte d'entrée s'ouvre sur Stella, qui reste assise un long moment sur le tapis en miaulant. Sans comprendre pourquoi, je me penche vers elle, mais elle se met à courir vers le salon.

— N'aie pas peur!

Je sursaute violement, mon cœur figé dans ma poitrine, quand Sienna apparait dans le cadre de la porte de la cuisine. Ses longs cheveux blonds sont ébouriffés, ses lèvres pleines sont si épaisses qu'on dirait qu'elles vont exploser et ses yeux, tellement bleus, semblent bouffis et humides.

— Sienna? Bon sang! Tu m'as foutu la trouille!

Elle entre dans le salon et s'avance vers moi avec une timidité que je ne connaissais pas chez elle. Ma belle-mère ne m'a jamais laissé voir la moindre faiblesse chez elle. Tout ce que j'aie connu, c'est une force d'esprit et une patience légendaire. Peu importe la situation, Sienna est toujours la première à se démener pour régler un problème avec un calme inébranlable, presque sempiternel, et étrangement impartial. Je ne peux même pas imaginer ce qui a pu la mettre dans cet état.

— Je ne voulais pas te déranger... Il est tard. Je ne savais pas vraiment où je pouvais aller, et...

— Qu'est-ce qui s'est passé?

Sienna me regarde avec un air si triste qu'elle semble même mal à l'aise de se sentir comme ça. Elle s'avachit dans le canapé, les bras le long du corps.

— Je me sens tellement pitoyable, si tu savais... Je suis en train de me morfondre dans l'appartement de ma belle-fille.

— Il est là pour ça, non? Persiflé-je, avec un petit sourire. Sérieusement, qu'est-ce qui te prend?

Je lève doucement ses jambes afin de me poser en dessous. Du bout des doigts, je lui tire un orteil, et elle sourit vaguement.

— C'est égoïste de te dire ça de cette façon, mais ta mère est en ville...

Je fronce les sourcils, mais ne répond pas. Durant un long moment, je fixe mes pieds, posés sur la table basse. Ma mère, en ville?

Elle n'a même pas pris la peine de m'appeler. De toute façon, pourquoi l'aurait-elle fait? Si je n'avais pas vu Sienna, je ne l'aurais peut-être jamais su. Elle serait sans doute repartie dans quelques jours, ni vue, ni connue, et tout aurait passé inaperçu. Malheureusement pour elle, je suis au courant, maintenant.

— Comment tu le sais?

— Qu'est-ce que tu crois? Elle s'est fait une joie de se pointer chez ton père pour récupérer l'argent qu'il lui doit.

— Et je suppose qu'elle ne t'a pas vraiment épargné au passage... Laisse-moi deviner : elle a utilisé les mots « sotte », « connasse » et « salope »?

Elle plisse le nez.

— En réalité, c'était « petite emmerdeuse », « chienne sale » et « blondasse », mais tu n'étais pas loin.

Je ferme les yeux un long moment. Je n'arrive pas à croire que ma mère, celle qui m'a élevée, puisse être aussi méchante et rancunière.

— Je sais que c'est ta mère, Lory, mais cette femme est tellement...

— Perverse, bilieuse, teigne, vipère ?

Sienna me fait les gros yeux. Pourtant, je vois dans son regard qu'elle est en total accord avec toutes les caractéristiques que je viens de donner à ma mère.

Depuis que mon père l'a quitté, elle fait tout en son possible pour lui pourrir la vie. Et celle de ma belle-mère, même si elle n'y ait pour rien dans cette histoire.

LotusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant