Chapitre 31

825 83 14
                                    

Nate est reparti avec Rachel après m'avoir délicatement embrassé le front. Il m'a demandé au moins dix fois si je préférais qu'il reste avec moi, cette nuit. Que, si je lui demandais, il donnerait ses clés à Rachel ou la ferait dormir sur le canapé, mais j'ai refusé. Les dix fois. C'est quand elle s'est mise à appeler sur le portable de Nate sans arrêt que j'ai finalement réussi à le convaincre de partir avec elle.

La vérité, c'est que je ne suis pas encore prête à passer une nuit avec lui. Ce n'est pas l'envie qui manque, mais je ne crois pas vraiment que je le supporterais. Surtout si cette femme méprisante est couchée dans la pièce à côté.

D'un mouvement éreinté et las, je pousse la porte de ma chambre dans le but précis et urgent de m'étendre sur mon lit et fermer les yeux.

— Quelle foutue soirée de merde, chialé-je, en zieutant Stella, couchée sur mon lit, le ventre exhibé vers le plafond.

En retirant mon chandail taché de sang et bon pour la poubelle, mon regard entrevoit les cicatrices qui se dressent le long de ma colonne vertébrale. Distraite, je fais un pas derrière pour les revoir; elles ont l'air... différentes. Je ne sais pas comment les décrire, ou comprendre comment je me sens face à elles, en ce moment... Tout ce que je sais, c'est qu'elles ne sont pas les mêmes que ce matin.

Je suis folle, ça y est, me sermonné-je, en roulant des yeux et en m'éloignant du miroir pour jeter à contrecœur mon chandail de pyjama préféré.

Je retourne près de mon lit et retire rapidement le reste de mes vêtements. Mon pantalon s'écrase sur la couverture, mais après une longue minute à le fixer, je fais demi-tour et lui fait prendre le même chemin que le chandail.

Je ne veux rien de plus pour me rappeler cette terrible soirée. Moi, qui évite toujours les ennuis, qui fuit dès qu'une personne semble vouloir m'aborder, qui m'isole, qui redoute toute forme de sociabilité... Qu'est-ce qui m'a pris, franchement, d'insister pour qu'il m'emmène là-bas avec lui ? Nate me fait faire des choses qui ne me ressemblent pas, et jusqu'à maintenant, ça n'a pas été positif.

Finalement étendue dans mon lit, sous un tas de couvertures qui pèsent sur mon corps, presque plus lourde encore que le poids que mes épaules ont de plus en plus de difficulté à supporter chaque jour, je caresse la tête de Stella et me décide à fermer les yeux. J'ai peur des images que mon cerveau pourrait choisir de repasser dans ma tête...

Pourtant, quand je prends mon courage à deux mains pour les affronter, mon téléphone vibre sur ma table de nuit. L'écran s'allume, et s'éteint quelques secondes après. C'est un message.

Un message, à deux heures du mat' ?

Avec un soupire, j'attrape mon téléphone du bout des doigts. J'ai dérangé Stella, puisqu'elle lève sa tête, puis la recouche. C'est Nate... Les sourcils froncés, je déverrouille mon téléphone et ouvre la conversation.

Je voulais qu'elle voie de ses propres yeux que l'amour ne dépend pas de ce qu'on regarde, mais entièrement de la personne qui regarde.

Rien d'autre ?

Durant quelques secondes, je me demande pourquoi il m'envoie un message comme ça. Il s'est trompé de destinataire ? Non, il ne serait pas si con. Ma deuxième idée me fait comprendre qu'il me cite quelque chose, mais je ne mets pas longtemps à réaliser ce que c'est.

Tiens, il a fait le tour de Musso ?

Jodi Picoult... Mille petits riens. Tu as fait fort, je te félicite.

Le sourire qui s'est imprimé sur mes lèvres ne veut plus me quitter. Il est doué, je l'admets... Avec tout ce qui s'est passé, aujourd'hui... mon humiliation à la cafétéria, Nate ivre, moi chez lui, nos rapprochements, mes cicatrices, notre réconciliation, Rachel, les coups de poing... Dans ma tête, je viens de vivre une année de misère complète en une journée. Mon corps le ressent fois mille, mais Nate sait exactement quoi me dire. Il a trouvé sa manière à lui de me faire comprendre qu'il n'en a rien à faire, de la texture de ma peau.

LotusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant