Lotus

Chapitre 15

Je retourne à ma lecture. Je suis à un passage où Laura, le personnage principal, se voit obliger de témoigner contre l'homme qu'elle aime, sous peine d'être elle-même menacée de poursuite judiciaire. Un jour avocate respectée, l'autre jour complice d'un criminel. Quel destin tragique ! Et dire qu'elle n'aurait jamais vécu cette passion si elle avait refusée de dire « oui », au départ.

Le personnage de Laura et celui de Jace sont deux opposés absolument évidents. Rien ne les relie, rien ne les pousse l'un vers l'autre, bien au contraire. Et pourtant, ils trouvent toujours le moyen de se retrouver. Ils trouvent toujours une raison de le faire, une motivation... Ce sont deux aimants. Laura, la jeune avocate, a réalisé son rêve de jeunesse. C'est une femme forte et indépendante, mais elle est aussi soucieuse, et terre-à-terre.

Jace, lui, est un homme dont la parole est indiscutable, et qu'on ne peut défier. Il est orgueilleux, arrogant, froid, souvent même glacial. Pourtant, il est un loyal homme de confiance, et il obtient toujours ce qu'il veut.

Ce serait une erreur que de dire que deux personnages aussi différents ne puissent être ensemble. Celui qui aime peut parvenir à n'importe quoi... Il peut soulever des montagnes, arrêter des rivières, changer la direction du vent... Laura et Jace se sont bien retrouver.

Je parviens aux dernières lignes.

« Comme l'Air souffle dans les arbres, comme la Terre crée la vie, comme l'Eau purifie et comme le Feu brûle en moi, je t'aimerai aussi longtemps que tu voudras bien me suivre à travers les ténèbres. Je t'aimerai plus loin encore, et plus fort que le Diable adore l'Enfer. »

Le cœur lourd, je le referme en me demandant si je suis réellement prête à ce qui s'en vient. Ce roman est une découverte incroyable, magnifique et toxique à la fois. On y pénètre, on le vit, on le voit...

Je prends quelques minutes pour me ressaisir. Maintenant que j'ai terminé, il ne me reste qu'à faire un résumé à Nate. Puis, je n'aurai plus qu'à le revoir pour le produit final.

Je me lève, décidée à en finir une bonne fois pour toute. Il est onze heures trente; c'est l'heure du diner, mais je me risque tout de même à aller voir à son bureau, au cas où il n'aurait pas encore quitté son bureau.

Lorsque j'arrive devant sa porte, elle est légèrement entrouverte. Je me risque à toquer deux petits coups, avant d'ouvrir la porte en grand pour y déposer le résumé et le reste des dossiers.

Mon souffle se coupe violemment au moment où je lève les yeux vers le bureau. Une impression horrible de déjà-vu me prend de court en voyant Nate, appuyé contre la tranche de son bureau. Rachel, debout devant lui, balade ses grandes mains manucurées dans la chemise à moitié déboutonnée de mon collègue. Elle me remarque, mais prend son temps pour s'éloigner de lui. Nate se redresse avec un soupir, et pose ses yeux dorés sur moi.

— Il est tôt, grogne-t-il, en reboutonnant quelques-uns de ses boutons.

— Je te retrouve tout à l'heure, souffle Rachel, en replaçant sa robe.

Elle passe près de moi, m'encombrant de son parfum YSL, mélangé à une faible odeur de tabac mal dissimulé. Son regard menaçant ne m'échappe pas; elle est sans doute frustrée de toujours me voir ruiner ses plans.

Une fois qu'elle est loin, un silence de marbre règne dans la pièce. Je mordille ma joue, pendant que Nate, bien à l'aise, contourne son bureau pour s'assoir confortablement dans son fauteuil. Nerveuse et dérangée, je lâche un peu trop brusquement le dossier sur le comptoir, où se trouve sa fabuleuse machine à café.

— Je venais seulement te laisser le travail terminé, balbutié-je, grossièrement. Surtout, ne te dérange pas.

Je quitte le bureau en laissant Nate, sans doute fier de ses actions, derrière.