Chapitre 25

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Ce n'est qu'arrivé à la salle de bain que mes larmes se permettent de couler. Je n'arrive pas à croire ce qui vient de se passer... Moi, qui essaie tant depuis le début de me fondre dans la masse même si je sais que c'est impossible, je me retrouve encore une fois au beau milieu de tous les regards. Si seulement je n'avais pas été stupide au point d'essayer d'entendre ce qu'ils disaient...

Face au miroir, j'observe mon chandail de laine rose pâle, taché de sauce. Les mains accrochées au comptoir du lavabo, j'entre dans un duel de regards avec mon propre reflet, déterminée à comprendre à quel moment de ma vie tout à commencer à devenir de la merde. Je n'ai pas à me poser la question longtemps; je le sais pertinemment.

— Lory ?

Lyn cogne à la porte. J'essuie mes larmes, furieuse. Je suppose que cette espèce de petit con de Jimmy l'a fait exprès. Probablement pour se venger de s'être fait rembarrer samedi soir.

— Ça va, marmonné-je, à l'attention de Lyn.

Je ne compte pas ouvrir cette porte. Non, je ne vais pas me mettre à pleurer dans les bras d'une amie. Non, je ne vais pas me mettre à confier mes problèmes, et je ne vais certainement pas me morfondre des heures parce qu'un petit capricieux a décidé de faire sa loi. Et je ne veux surtout pas qu'on me prenne en pitié. J'ai assez vu ce regard au cours de ma vie.

— Tu ne veux pas en parler ?

— Parler de quoi ? Répliqué-je, instantanément. De mon chandail préféré qui est gâché ? Merci, je n'ai plus deux ans. Je vais m'en remettre.

Je l'entends soupirer.

Je ne suis pas stupide. Je sais qu'elle se doute que tout ça va tellement plus loin. Elle n'est pas naïve au point de ne pas avoir entendu ce qu'on raconte sur moi. Cette fille est un Google humain, elle sait tout sur tout le monde.

— Je ne vais pas te forcer la main, dit-elle, calmement. Si tu as besoin... tu sais où me trouver.

J'appuie ma tête sur le dos de mes mains, toujours posée sur le lavabo, découragée. J'inspire et expire si lentement pour m'apaiser que j'arrête presque de respirer. Ce n'est qu'après avoir furieusement épongé mon chandail et mes pantalons que je décide enfin de sortir de la salle de bain. Au bout du couloir, deux filles changent de direction en croyant que je ne remarque pas qu'elles étaient en train de m'observer.

— Idiotes, grommelé-je, entre mes dents.

J'ouvre la porte de mon bureau et attache mes cheveux dans un chignon. Après un moment à rester debout, cherchant une solution, je prends la décision de quitter.

Je suis toujours à l'heure, toujours présente, toujours à donner mon cent-un pourcent. Si Paul me reproche d'être parti, tant pis pour lui. Je ne reste pas.

Je rassemble mes choses, pressée, et ferme mon bureau avec l'envie urgente de me vautrer dans mon canapé ou dans un bain chaud pour ne plus penser à quoi que ce soit.

En passant devant le bureau de Nate, je remarque qu'il est en train de discuter, fiévreusement, avec notre patron. Les bras ballants, les yeux mi-clos, le dos ronds et un sourire horriblement forcé sur les lèvres, je comprends sans mal qu'il est dans une très mauvaise position. Paul ne semble pas vraiment content, mais il n'a pas l'air d'avoir remarqué que son assistant d'édition n'est pas sobre. En m'approchant, j'entends qu'ils parlent d'une couverture de livre.

Hé, merde...

À voir le regard de Nate, il cherche un moyen de se tirer de sa situation avant qu'il ne constate son état et décide de le renvoyer. Je ne crois pas qu'il irait jusqu'à des mesures aussi radicales, mais dans la condition présente... rien ne pourrait m'étonner.

LotusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant