Chapitre 45

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Dix jours plus tard

Il est midi. Je suis en train de jouer avec le cordon de mon coton-ouaté, vautrée dans le canapé, quand la porte s'ouvre dans un claquement. Je lève les yeux sur Nel, qui chancelle jusqu'au comptoir de la cuisine. En passant près de moi, il cogne ses doigts à plat contre son front pour me faire un salut militaire manqué.

— Dis-moi, Nel... Est-ce que tu es venu rendre visite à ton frère dans l'unique but de faire la tournée des bars de New-York ?

Ça doit être la plus longue phrase que je lui aie dite jusqu'à maintenant. Ça ne fait qu'à peine plus d'une semaine que ma relation avec Nate s'est remise en marche, mais son frère a déjà eu le temps de trouver mille-et-une manière de m'embêter. Je suppose que c'est ça, le rôle d'un beau-frère... Par moment, il me met un peu mal à l'aise...

— En parlant de lui... il est où, c'trou d'cul ? Mâchonne-t-il, sans articuler.

— C'trou d'cul, comme tu le dis si bien, l'imité-je, sarcastiquement. Il est sous la douche.

Il échappe un hoquet alcoolisé. Je lève les yeux au ciel. Je n'ai jamais vu un gamin de vingt-et-un an aussi exaspérant ! Il est tellement fier d'avoir atteint la majorité qu'il fait n'importe quelle connerie inimaginable ! D'ailleurs, on l'a retrouvé endormi sur un banc du Sunset Park hier soir, sous prétexte qu'il cherchait mon appartement et qu'il a fini par abandonner le projet !

— Et où est Serena ?

Nel grimace pendant que je me concentre sur la pointe d'un de mes cheveux.

— À l'hôtel, se contente-t-il de dire, sans ajouter quoi que ce soit.

Je soupçonne le frère de Nate d'avoir un béguin pour son ex petite-amie... Du haut de ses vingt-cinq ans, je crois qu'elle le voit davantage comme un petit frère que comme un homme séduisant qu'elle aurait envie d'embrasser.

Non, parce que l'homme séduisant qu'elle a envie d'embrasser, c'est Nate.

Cependant, Nel et Serena sont tout le temps fourré ensemble.

D'un geste maladroit, il ouvre la porte du réfrigérateur pour se déboucher une bière. Je lève un sourcil et me redresse sur le canapé en remontant un genou contre ma poitrine.

— Tu ne trouves pas que tu es déjà assez éméché ?

Silencieusement, il se retourne vers moi en posant son index contre ses lèvres. Il souffle un long et bruyant « shhhh ! » interrompu par la porte de la salle de bain, qui s'ouvre sur Nate. Ce dernier secoue sauvagement ses cheveux, sa main tenant fermement la serviette blanche pendue à ses hanches. J'en profite pour contempler ses abdominaux, moulés par sa peau miroitante encore humide. Lorsqu'il lève les yeux dans ma direction, il repère Nel dans la cuisine.

— Si tu oses prendre une gorgée de cette bière, prévient Nate, en pointant un doigt accusateur vers son frère. Je te jure que je te tue.

Nel échappe un rire en levant les yeux au ciel. Il approche le goulot de ses lèvres, provocant. Il n'a pas l'habitude de contredire ou de tenir tête à son frère, normalement. Je plisse les yeux, comme pour l'analyser. Ça ne va pas. Peut-être que ça a quelque chose à voir avec la grimace qu'il a faite quand j'ai mentionné Serena ?

— Je ne plaisante pas, Cornelius !

Cornelius ? C'est ça, le vrai nom de Nel ?

— Ah ! S'écrit-il, tout à coup, avec un rire nerveux. Avec un prénom comme ça, tu te demandes pourquoi j'ai des problèmes de boisson ?

LotusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant